NE TIREZ PAS SUR LE PAPISTE
À la suite de la visite de Benoît le seizième en Israël, je m'interroge une nouvelle fois sur l'improbable intelligence politique des Juifs en général et des Israéliens en particulier.
Que n'a-t-on entendu, le jour du discours du Saint-Père à Yad Vashem, considéré le jour même par l'ensemble de la presse israélienne comme décevant, avant que le principal journal, le Yediot Aharonot, ne se ravise le lendemain, en reprochant à la classe médiatique une excessive sévérité.
Il y eut également les propos diffamatoires du président de la Knesset, M. Rivlin indiquant que le pape aurait été membre des jeunesses hitlériennes, ce qui est tout simplement faux.
Peut-être que plus qu'un autre, un Juif, un Israélien, devrait savoir ce qu'il en coûte à reprocher ses origines à un homme et à l'accuser de maux imaginaires.
Rappelons que le jeune Ratzinger n'a jamais fait partie des jeunesses hitlériennes – ce qui n'aurait pas été un crime – il a seulement été engagé de force dans la Werhmacht, comme bien des gamins allemands de son âge.
Certes, Benoit XVI n'est pas Jean-Paul II. Il n'a pas son charisme. Mais peux-je faire remarquer que les Juifs ne sont que médiocrement concernés pour le déplorer, ne croyant pas particulièrement à son infaillibilité.
Benoît n'avait pas non plus la possibilité, comme le défunt pape, d'amener en Israël des Juifs qu'il aurait sauvés en Pologne, et il est inutile, en conséquence, de cultiver pieusement la nostalgie de son glorieux prédécesseur.
Pour autant, faut-il rappeler que l'actuel souverain pontife a toujours été un partisan convaincu de la réciprocité entre l'église et l'islam, en indiquant qu'il n'y avait pas de raison de construire des mosquées en Europe si on n'avait pas le droit de construire des églises en terre musulmane.
Il est vrai que le politiquement convenable qui sévit à son encontre depuis son avènement, que la pression de sa Curie, ainsi que celle de l'église officielle d'Orient l'ont contraint, depuis Ratisbonne, à mettre beaucoup d'eau bénite dans son vin de messe.
Les Juifs souffrent-ils tellement d'une pénurie d'ennemis pour, à l’heure de tous les périls, sur fond d'une montée de l'antisionisme et de l'antisémitisme sans précédent, d'incompréhension pathétique avec l'oncle Sam et son neveu Barak, s’en créer de toutes pièces ?
Au rebours, il est inadmissible que les Israéliens n'aient pas songé à reprocher au patron du Vatican l'attitude scandaleuse de son légat à Genève, lors de Durban II, qui n'a pas suivi ses collègues européens vers la sortie, lors de la diatribe venimeuse du persan enragé, et qui a cru devoir conserver son auguste postérieur sur son confortable siège.
Idem pour la condamnation, certes nuancée, d'un mur qui n'en est pas un dans le cadre d'un prêchi-prêcha pacifiste qui devrait être épargné à ceux qui en ont le plus souffert.
Qu'on ne se méprenne pas sur mes propos : je comprends qu'on puisse se plaindre des silences de l'église d'il y a 60 ans – encore qu'il ne faudrait pas tomber dans l'injuste caricature – mais il me paraît encore bien plus essentiel et vital de les mettre en perspective avec ces nouveaux silences, ou cette nouvelle onctuosité verbale, au regard du danger immense que courent aujourd'hui les Juifs vivants, dans leur patrie souveraine.