LE BLOGNADEL - LE BLOG DE GILLES WILLIAM GOLDNADEL
Bloc-note
ACTUALITE JUIVE - N° 1307 – Jeudi 10 juillet 2014
REPONSE A MON AMI MAREK HALTER
Mon cher Marek, nous sommes suffisamment amis pour nous dire les choses avec franchise mais sans acrimonie.
Tu as cru devoir, le mois dernier, publier dans Le Monde une épître à tes frères juifs en danger dans laquelle tu leur indiquais en substance que quitter la France n'était pas la bonne solution.
À mon tour de leur dire -et de te dire- que je ne saurais cautionner ni le fond ni la forme de ta missive.
Question tout d'abord du choix du vecteur pour nos lecteurs : pardon de te le dire, mon cher Marek, mais je préfère, pour tenter de porter conseil aux citoyens juifs dans le désarroi, opter pour le principal hebdomadaire de leur communauté plutôt que pour un quotidien dont l'empathie à leur égard ou à celle de l'État d'Israël ne m'a jamais particulièrement frappé.
C'est d'ailleurs une douteuse spécialité que de choisir ce journal pour faire la leçon aux juifs.
J'ai toujours sur le cœur cet appel de J Call dans Le Monde comme dans Libération dans lequel, les responsables évoquaient exclusivement « une faute morale » d'Israël dans l'impasse israélo-palestinienne. Comme si les lecteurs de ces deux quotidiens n'avaient pas suffisamment l'habitude d'une condamnation aussi sélective…
Ces derniers jours, Mme Hélène Sallon du Monde a cru devoir relever un déchaînement sur la toile israélienne des passions anti arabes. J'aurais trouvé un tel article autrement plus édifiant, s'il m'avait été donné de lire ces 30 dernières années dans les mêmes colonnes, un seul article décrivant la haine quotidienne, rance, anti judaïque, obsessionnelle, pathologique, violente, impunie, ne faisant l'objet d'aucune contestation intellectuelle ou politique, d'une très grande partie de la société palestinienne.
Sur le fond, mon cher Marek, et quitte à me répéter ad nauseam, je puis difficilement admettre que tu puisses renvoyer dos à dos la vieille haine d'extrême droite et celle de l'islamisme, sur fond de passivité de l'extrême gauche. Tu sais bien que depuis 1945, seule la seconde a fait verser le sang juif dans les rues Copernic, des rosiers, de Toulouse et de Bordeaux. Admettre une équivalence entre les deux revient à relativiser, à diluer le terrorisme infernal dans le bouillon de l'antisémitisme réchauffé.
Mais pour être tout à fait franc avec l'artiste que j'estime affectueusement, je ne suis pas tout à fait sûr que l'un des parrains d'un mouvement pseudo antiraciste qui a accompagné l'immigrationnisme incontrôlé dont les juifs ont mesuré plus que les autres l'inconséquence, soit le mieux placé politiquement pour admettre de bonne grâce ce qui précède.
Enfin et surtout, je crois que toi comme moi, devrions, avec humilité, nous garder de distribuer des conseils définitifs aux juifs de France, dans le grave péril physique et moral dans lequel ils se trouvent.
En ce qui me concerne, je m'y refuse. J'ai été étonné que quelqu'un comme toi qui a toujours soutenu le projet sioniste, puisse considérer, en toutes circonstances, le retour à Sion comme une solution erronée.
Je ne puis évidemment accepter comme une fatalité ou une obligation de voir les membres les plus loyaux d'une des plus anciennes communautés françaises expulsés de leur cher et vieux pays par la haine des uns et la sotte indifférence des autres.
Ceci fermement posé, mon cher Marek, mes deux enfants ont pris le chemin de Jérusalem pour y faire souche avec résolution. Tu ne me persuaderas pas qu'ils se sont fourvoyés.
Gilles-William Goldnadel ©
Président de France-Israël et d'Avocats Sans frontières