LE BLOGNADEL - LE BLOG DE GILLES WILLIAM GOLDNADEL
Article paru dans Le Figaro (édition papier) du 23 février 2016
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/02/23/31003-20160223ARTFIG00067-les-habitants-du-xvie-arrondissement-de-paris-ont-ils-moins-de-droits-que-les-autres.php
Publié le 23/02/2016
Les habitants du XVIe arrondissement de Paris ont-ils moins de droits que les autres ? Par Gilles William Goldnadel
TRIBUNE - Anne Hidalgo cède à la démagogie en créant un camp d'hébergement pour migrants dans le bois de Boulogne, argumente l'avocat Gilles-William Goldnadel.
Me Gilles-William Goldnadel est président d'Avocats Sans Frontières. Il défend de nombreux riverains du bois de Boulogne qui contestent la décision de la Mairie de Paris.
Idéologie, quand tu nous tiens: L'équipe majoritaire qui gouverne aujourd'hui la ville de Paris utilise certains mots magiques en gargarisme: «vivre-ensemble», «concertation», «écologie», «mixité sociale», «politique de la ville»… Elle a aussi l'idéologie facétieuse. La majorité municipale a imaginé d'installer un campement de migrants au sein d'un site naturel classé à l'intérieur du bois de Boulogne, non loin du champ de course d'Auteuil ! Pardon: Quand il s'est avéré, sous les coups de boutoir de la cruelle réalité, que les migrants, au rebours de la légende dorée, n'étaient pas tous des pianistes distingués ou des professeurs de littérature médiévale et qu'ils ont commencé à être contestés pour des raisons de sécurité, la mairie de Paris a ajouté de braves SDF à la liste des futurs campeurs permanents. Les mots en gargarisme sont devenus des antiphrases creuses. Sans la moindre «concertation» avec les élus de l'arrondissement concerné et encore moins avec sa population, la majorité municipale a tranché subrepticement: À peu de frais et gaiement car les gens du quartier ne sont pas ses clients. Ce sont, comme dirait Karl Marx, des ennemis de classe.
Peu importe donc que les deux cents migrants deviennent très vite deux mille sans-papiers installés misérablement sous des tentes d'infortune. Aucune importance. Il n'y a pas si longtemps, j'ai débattu avec le communiste encore que sympathique Ian Brossat, adjoint de Mme Hidalgo et préposé au logement, sur l'antenne d'une grande station radiophonique. Je lui ai posé la question malicieuse de savoir ce qu'il conviendrait de faire de ceux des migrants sans droits et non éligibles au statut de réfugiés. En bon idéologue internationaliste, il a reconnu, à peine gêné, qu'il ne saurait être aucunement question de les contraindre. Si donc il y a deux ou trois mille campeurs illégaux dans le bois, ils demeureront misérablement, comme à Sangatte. Ceux-ci n'auront à leur disposition aucun commerce de proximité dans les environs, et ceux qu'ils pourront atteindre difficilement ne pratiqueront pas des prix hautement concurrentiels.
Mais pas question de poser de questions malséantes: Les notables de la mairie de Paris qui imposent de force, sans réfléchir et sans débat la «mixité sociale» dans des lieux impossibles, généreux avec le bien commun ou celui des autres, munificents avec les logements sociaux quand il s'agit de leurs obligés, ne s'estiment aucunement en charge d'assurer la sécurité des habitants, à Calais comme dans le XVIe arrondissement de Paris.
Installer un campement de migrants à l'intérieur du bois de Boulogne traduit le désir de punir les riverains
Reste enfin l'«écologie». Ni l'architecte de la Ville de Paris, ni la commission de la nature et des sites n'ont évidemment, compte tenu de l'extravagance du projet, osé donner leur feu vert à une équipe rose et rouge pourtant associée à un parti écologique théoriquement vétilleux. Mais de la même manière que les féministes idéologisées ont la morale à géographie variable selon que l'on se trouve à Paris ou à Cologne, les écologistes politisés considèrent que le bois de Boulogne n'est pas un espace boisé. Et peu importe qu'une Charte du bois du même nom ait été solennellement signée en 2003 par l'ensemble des maires des communes riveraines, y compris évidemment celui de Paris, pour précisément le sanctuariser et le protéger de toute emprise humaine qui pourrait l'abîmer. Peu importe que l'on ait commencé à abattre des arbres magnifiques ou que, en l'absence de tout système d'évacuation, l'on creuse des excavations pour évacuer comme on pourra les eaux usées. Punir ceux que l'on considère comme des «bourgeois pourris» et leur pourrir la vie vaut bien que l'on fasse fi du plus beau bois de Paris.
Très sûr de son fait, le préfet a déclaré qu'il était «ringard de s'opposer au projet». Il n'est pourtant pas évident de considérer l'idéologie de l'actuelle mairie «progressiste» comme portant la marque de la modernité la plus radieuse. On peut certes penser que les braves gens du XVIe ne font pas partie de ces redoutables zadistes, ou de ces violents black-blocs à ménager avec respect. Pour autant, ceux-ci sont résolus à utiliser tous les moyens de droit à leur disposition pour empêcher manquements et abus de pouvoir. Et ceux-ci ne manquent pas, au regard du passage en force tenté par la mairie. En toute hypothèse, il ne devrait pas être interdit aux gens du quartier, même à eux, et comme à Notre-Dame-des-Landes, de se voir demander leur avis par un référendum local. Que dit Mme le maire de Paris de ce recours direct à la démocratie ?