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Publié le 16/03/2015
Goldnadel: rue Hélie de Saint Marc et indignation sélective
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Diabolisation du FN, campagne anti-racisme pour Christiane Taubira, polémique engendrée par la décision du maire de Béziers: Gilles-William Goldnadel regrette que soit laissé à la gauche le monopole de l'indignation.
Gilles- William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Il tient une chronique hebdomadaire sur FigaroVox.
Ainsi, par décret gouvernemental, le diable est de retour. Il ne porte pas la barbe noire. Pas de risque de stigmatisation d'une certaine religion. Il n'est pas en Prada mais a les cheveux blonds.
Le vocabulaire religieux du Premier ministre en campagne trahit sa pensée. En revendiquant la «stigmatisation» du Front National, ce n'est pas sa disqualification par diabolisation qu'il recherche. Il sait bien aujourd'hui que cette quête est vouée à l'échec, à un moment où le discours moralisateur des «élites» en faillite, énerve plus qu'il n'impressionne. Aucune chance de prouver désormais le signe de la bête immonde sur une nuque bleu marine. Il escompte au contraire que le martyre du parti très à droite, crucifié publiquement, poussera une partie du peuple «de souche», stigmatisé par réflexe, à abandonner la droite affadie. Il n'est pas dit que ce calcul cynique soit forcément mauvais. Surtout, quand la droite parlementaire ne mène pas le combat qu'elle se devrait de mener.
Deux exemples suffiront.
Cette semaine, la campagne hystérique autour du racisme dont serait victime la garde des Sceaux s'est poursuivie. Pour la nourrir encore, l'exécutif présidentiel et gouvernemental n'a pas hésité à invoquer les déclarations d'une obscure élue municipale de droite de Juvisy-sur-Orge qui enjoignait vulgairement Mme Taubira de rentrer à Cayenne en faisant référence implicitement à son passé d'indépendantiste guyanaise. Il n'en fallu pas plus pour que le président de la République et le porte-parole du gouvernement expriment publiquement leur indignation encolérée.
L'auteur du présent article n'a jamais caché, et encore la semaine dernière, sa répulsion pour l'instrumentalisation dans la vie politique d'un racisme supposé, a fortiori lorsqu'il est infinitésimal. Mais si l'on doit vraiment se résoudre à vivre dans ce système pervers et dangereux, encore faut-il, ne serait-ce pour le neutraliser, qu'il soit équilibré.
Dans ce cadre obligé, la droite n'aurait fait que son travail en protestant contre les déclarations dénuées de toute ambiguïté de deux représentants de l'extrême gauche: l'un est le candidat du Front de Gauche pour le canton de Marseille, il s'en prend au pouvoir juif. L'autre, Bénédicte Bauret, est membre de la Ligue des Droits de l'Homme. Elle est élue de l'extrême gauche à Mantes. Convoquée par la police pour cause de boycott des produits israéliens, elle s'en est pris expressément «aux pharmaciens juifs» qui commercialiseraient des médicaments de la marque Teva, estampillés de l'étoile davidienne…
À un moment où l'on sait le Front de gauche fort chatouilleux sur le sujet, et la gauche socialiste toujours aussi sentencieuse, l'intelligence, la morale et l'intérêt politique commandaient à la droite de ne pas laisser le monopole de l'indignation à cette gauche indigne.
L'autre exemple est fourni par la polémique et les manifestations engendrées par la décision du maire de Béziers de rendre hommage à Hélie de Saint-Marc en lui dédiant le nom d'une rue de la cité, au lieu et place de l'ancienne dénomination du «18 mars 1962», date, on le sait, des accords d'Évian. Ici encore, l'extrême gauche est montée au front et le premier ministre de répudier «les nostalgiques de l'Algérie française». Cette chronique n'est pas consacrée à la légitimation de la décision de la municipalité biterroise. Je me contenterai donc de faire observer qu'il n'est pas illégitime de considérer effectivement que les accords d'Évian, largement foulés aux pieds, n'ont hélas pas signé la fin de la guerre d'Algérie.
Il est vrai que les deux mille musulmans harkis, chrétiens et juifs d'Oran, massacrés le 5 juillet 1962 ne sont plus là pour en témoigner. L'écrire n'est pas être nostalgique de l'Algérie française.
J'observerai encore que l'hommage rendu à Hélie de Saint-Marc, grand résistant, déporté, mutin de l'Algérie française mais réhabilité et décoré par l'ancien président de la République, n'a rien de répréhensible. Mais je ne demanderai pas à un Mr Poutou, de ce NPA qui participait à la manifestation de protestation de Béziers comme il participait aux manifestations interdites et antisémites pour Gaza de le comprendre.
Mon propos est ailleurs. Pourquoi laisser, ici encore, à la gauche indigne le monopole de l'indignation ? Dans mes dernières chroniques, je n'ai eu de cesse de rappeler que plusieurs municipalités communistes ayant fait citoyens d'honneur des terroristes condamnés leur ont dédié le nom d'une rue ou d'une allée. La droite n'a pas bougé.
Et qu'en est-il des nombreuses rues Lénine, grand massacreur sous le soleil trompeur de la révolution bolchevique ? Des rues Maurice Thorez, déserteur après le pacte germano-soviétique et stalinien de la première à la dernière heure ? Et tant qu'à mener la guerre des rues, que dire du choix délicat de Carnot, bourreau de la Vendée, pour la ville vendéenne de Challans ?
La rue n'est pas la propriété exclusive de la gauche ni de sa mémoire sélective. Le nom des rues, non plus.
La droite parlementaire n'est pas habilitée à se plaindre de la partialité médiatique sans avoir entrepris le combat culturel qu'elle n'a jamais voulu mener. Et il n'est de victoire politique à espérer sans bataille des esprits et des cœurs à livrer. Rue par rue.