Cinq observations, un brin amères, pour tenter d’empêcher l’inextricable confusion qui s’est emparée des esprits déjà bien échauffés, après la publication des caricatures que vous savez par qui vous savez.
Première observation : la liberté d’expression est, dieu merci si j’ose dire, sacrée en France. Toute atteinte doit être une exception. L’éventuel blasphème, pour choquant qu’il soit, n’en n’est pas une.
Deuxième observation : on a également le droit –au nom du sacré – de critiquer la critique ou la caricature. Dans l’affaire de Charlie Hebdo, on peut parfaitement dire sans être taxé d’intolérance, qu’on trouve l’initiative inopportune et opportuniste, ou que l’on trouve également les impertinents manquer de pertinence. Et quand, de manière particulièrement écœurante, Charlie Hebdo met dans la même brouette de prétendus intouchables musulmans et Juifs, ces derniers sont bien inspirés de dire leur écœurement. Drôles d’intouchables que ces juifs touchés jusqu’aux corps de leur enfants à Toulouse et qui ne se vengent sur personne pas plus qu’ils ne descendent dans la rue sans autorisation.
En l’espèce, je n’aime pas Charlie Hebdo et il me le rend bien. Il m’a consacré récemment un article encore plus bête que méchant. Et quand des responsables musulmans, aussi responsables précisément que le recteur de la mosquée de Paris, Monsieur BOUBAKEUR ou mon cher ami l’imam CHALGOUMI, critiquent les caricatures, ils sont parfaitement à leur place.
Troisième observation : la vraie défense de la liberté d’expression ça n’est pas quand ça arrange, mais quand ça dérange. C’est pourquoi, alors même que, je l’ai dit, je n’aime pas Charlie Hebdo, je suis prêt à le défendre hystériquement contre toute atteinte à l’intégrité du journal et plus encore, est-il besoin de le dire, à l’intégrité physique de ses membres pour lesquels j’ai, je le répète, une estime très mesurée.
Quatrième observation : qu’il me soit permis de dire, et c’est là où se situe mon amertume, que ceux qui défendent aujourd’hui à juste titre la liberté d’expression de Charlie Hebdo, auraient dû le faire avec autant de pugnacité lorsque d’autres idées les dérangent, sans doute plus encore comme celles d’un Robert Ménard, condamné à une sorte de mort civile qui ne dit pas son nom. Et inversement ceux qui, aujourd’hui, comme je l’ai entendu sur France Inter, ce matin encore, critiquent les caricatures de Charlie Hebdo en invoquant qui le moment, qui le mauvais goût, auraient été plus crédibles en condamnant, bien sur pacifiquement, mais tout aussi fermement, ceux qui plongent l’effigie de Jésus Christ dans l’urine ou ceux qui, nazifient Israël et les juifs.
Cinquième et dernière observation : je ne suis nullement choqué par le fait que le Président du CRIF ait considéré comme inopportunes les caricatures incriminées pour apaiser l’ire des musulmans, j’aurais seulement souhaité qu’il réclame la réciprocité car je n’ai pas encore vu les organes représentatifs musulmans déplorer la grande tradition de caricature antisémite dans la presse égyptienne ou les prédications antijuives enflammées que l’on peut entendre sur les télévisions de Doha ou d’ailleurs.
Enfin, j’observe que l’on applaudit le fait que les organisations musulmanes françaises, plutôt que d’enflammer les foules, préfèrent s’en remettre à l’arbitrage de la justice. Lorsque, la communauté juive française y a eu également recours pour se plaindre du déferlement de l’antisionisme radical ou de la diabolisation d’Israël et des juifs, beaucoup au sein de l’idéologie dominante y ont vu au contraire la marque de l’intolérance.
Difficile de ne pas voir, hélas, dans cette différence de traitement, une prime à ceux qui commencent par la violence colérique sur ceux qui demeurent calmes et rationnels dans les pires circonstances.
(D’après ma chronique du 21 septembre sur Radio J)