Le Figaro
Débats & Opinions
Bibliothèque des essais
Le 15 février 2011
A propos de la
"Réflexions sur la question blanche"
Gilles-William Goldnadel
Edité par Jean-Claude Gawsewitch,
300 pages, 22,90 €
article rédigé par Alexandre Adler
Réflexions sur la question blanche, ce titre musclé de Gilles-William Goldnadel est évidemment l’ouverture d’une polémique contre les tous les bien-pensants, les politiquement corrects et les docteurs-tout-va-bien qui nient aujourd’hui l’existence d’une idéologie agressive qui pèse sur toute la société française.
Le journaliste néerlandais Ian Buruma avait déjà ouvert la voie en arrachant au publiciste palestinien Edward Saïd le titre de son pamphlet tiers-mondiste l’Orientalisme, et proposé de la même manière un Occidentalisme qui dénonçait les clichés paresseux de la gauche bien-pensante.
L’ouvrage de Gilles-William Goldnadel, nourri par sa longue expérience des prétoires et le goût de la polémique, toutefois toujours respectueuse des adversaires et jamais insultante, renvoie au même projet : défendre une intégration qui ne soit pas complaisante à l’islamisme, soulever des lièvres du prêt-à-penser idéologique, et défendre, le cas échéant, les brebis galeuses de notre faux consensus, qui s’étend, il est vrai, de feu le général de Gaulle à l’État d’Israël, ce dernier toujours vivant.
Mais la grande surprise de cet ouvrage tient peut-être avant tout à l’étonnante intégrité de son auteur qui, avant de croiser le fer, a d’abord voulu nous livrer un étonnant autoportrait, où l’artiste se livre en victime adolescente d’une certaine exclusion raciste et qui comprend, à ce titre autobiographique, bien mieux les problèmes des immigrés récents en France que ne l’imagineraient des détracteurs qui se dispenseraient de l’avoir lu.
Mais il y a plus étonnant encore et plus profond. Selon Gilles-William Goldnadel, en effet, une bonne part de la complaisance à la francophonie agressive de certains représentants de la population immigrée tient avant tout à la réaction tardive de l’opinion française aux crimes enfin dévoilés de l’Occupation et du régime de Vichy. Par un retournement pervers, le juif déporté et massacré demeurera encensé au détriment de l’Israélien paré de toutes les couleurs du fascisme, et bientôt du Français moyen réduit à une caricature de brute coloniale. Ici, la critique, pour être profonde, se veut aussi autocritique : en se berçant du récit consolant de la persécution, la communauté juive, dont Gilles-William Goldnadel est un militant sans faille, n’a-t-elle pas choisi la voie d’une certaine facilité culpabilisatrice, au détriment d’une vérité, parfois un peu brûlante, mais qui elle aura des chances de guérir, dans l’intérêt de tout le monde, les plaies vives dont est affecté notre corps social.
Alexandre Adler