PARU SUR LE SITE « ATLANTICO, un vent nouveau sur l’info » :
Cette semaine, Gilles-William Goldnadel revient aussi sur le conflit palestinien.
La semaine Goldnadel
Publié le 3 décembre 2012
Et si la France était en train de succomber d'une maladie idéologique orpheline et logorrhéique ?
L'exemple d'un Arnaud Montebourg, ministre-bateleur, en fournit cette semaine un exemple pathétique. On avait déjà compris, à l'intitulé tragi-comique de sa fonction, qu'il serait le ministre de la parole. Il lui incombait de galvaniser syndicats et travailleurs en détresse au son du canon anti-mondialiste, du violon internationaliste et de l'accordéon patriotique. Rude tâche !
Mais la parole n'est pas l'esbroufe, la tchatche et encore moins la galéjade.
En huit jours, l'intéressé aura commencé par décréter publiquement l'expulsion d'un investisseur étranger, comme il n'aurait jamais osé à l’égard d’un criminel sans-papiers. Après quoi, notre ministre aura prétendu avoir dans la manche un repreneur miraculeux pour sidérurgie en déroute, aussi imaginaire que le libyen qu'il avait trouvé pour raffinerie moribonde. Enfin, son Premier ministre sifflait la fin de la récréation en démentant toute menace de nationalisation, qui, si on avait bien compris, n'avait été brandie par Arnaud-le-Kid que pour faire peur à un méchant indien. À la fin du film, notre héros triomphait en s'en remettant à la parole d'un homme qu'il n'avait cessé de traiter de menteur.
À l'issue de cette huitaine prodigieuse, notre ministre aura réussi à esbaudir la presse internationale - y compris celle de gauche -, les syndicats, ses collègues du gouvernement, jusqu'au Monde.
M. Montebourg avait su faire rire en disant que Mme Royal n'avait qu'un seul défaut, son compagnon d'hier. Voilà Mlle Pulvar à présent irréprochable.
Comme je le suggérais la semaine dernière, il est dommage pour le débat démocratique de ne s'en remettre qu'aux religions labélisées pour émettre d'éventuelles critiques au projet de mariage gay.
Ainsi, pourquoi ne pas avoir demandé leur avis également aux représentants athées de la libre pensée, lors d’un débat le 29 novembre à l'Assemblée nationale ?
En guise de débats, la portion était congrue puisque les responsables religieux n'ont eu que 15 minutes chacun pour s'exprimer. (Le Figaro du 30 novembre).
Ce jour là, un bel exemple d'idéologie faussement rebelle a encore été donné par ces manifestants tournant autour du Palais-Bourbon, munis de pancartes en faveur du mariage homosexuel ainsi libellées : « André Vingt-Trois occupe-toi de ton culte » ou encore « l'Assemblée nationale n'a pas à écouter André Vingt-Trois… ». A l'intérieur, un député de gauche très remonté qualifiait de « lobbys », les représentants religieux. Enfin, on apprenait que l'excellent Roger Madec, député-maire socialiste parisien avait tout simplement coupé l'électricité de sa mairie pour empêcher la fantasque Frigide Barjot de débattre avec Benoît Duquesne de la télévision française.
Un esprit chagrin pourrait se laisser aller à penser que nos courageux laïcards ne font pas montre d'une égale pugnacité lorsqu'il s'agit de contredire certains représentants d'un autre culte, autrement plus agressifs.
Curieusement, la presse n'aura pas grandement répercuté pareils errements, au rebours de la manière dont elle aura condamné sans appel l'attitude d'opposants catholiques traditionalistes, certes peu portés à la gaudriole, mais qui ne demandaient qu'à ne pas être moqués par des contre-manifestantes dénudées venues les provoquer.
Le Monde du 30 novembre titrait sur le « piège » tendu au gouvernement par ses Verts alliés. Le 11 décembre, les 17 députés d'Europe Écologie-Les Verts ont déposé sur le bureau du président de l'Assemblée nationale une proposition de loi destinée à interdire définitivement toute exploitation et même exploration du gaz de schiste et ce « quelles que soient les techniques utilisées ».
La réalité de ce piège est douteuse, car dès juillet 2011, le PS, pour séduire la mouvance écolo-médiévaliste, estimait que la loi Jacob (UMP), interdisant la fracturation hydraulique, adoptée le 13 juillet 2011 n'était pas suffisante pour barrer la route au gaz de schiste et avait surenchéri.
Ainsi, en torpillant la filière nucléaire, en tuant dans l’œuf toute possibilité d'exploiter sans dommage le schiste, pour complaire à ses compères électoraux, la gauche démocratique prive le pays de toute possibilité d'indépendance énergétique à bon marché pour les années qui viennent.
Dans le même temps, la même gauche, pour calmer ses camarades du PCF, du Front de gauche et leurs relais corporatistes, s'interdira tout réel progrès pour obtenir une flexibilité du travail qui, elle le sait pourtant, représente la seule possibilité de juguler la hausse du chômage.
Hormis cela, l'idéologie sommaire qui trotte continuera de suggérer que la gauche plurielle incarne le progrès et la modernité.
Une fois n'est pas coutume, j'aurais volontiers signé les conclusions de la chronique internationale du vendredi d'Alain Frachon (Le Monde) consacrée au Proche-Orient : « cette idée que la solution viendra des deux adversaires est une faribole. Dans un conflit de cette nature, quand pèse l'histoire, la force des sentiments nationaux et les souvenirs des morts, il faut un parrain, capable de tordre le bras des uns et des autres.… La paix viendra de Washington ».
Assurément. Les Arabes de Palestine passent leur temps depuis près d’un siècle à surenchérir les uns sur les autres, quant au Premier ministre israélien, les dernières élections au sein de son parti, le Likoud, ont porté aux premières places des politiciens plus à droite qu'il ne l'aurait lui-même souhaité.
Ceci étant clairement posé, M. Frachon aurait pu prolonger sa réflexion jusqu'à remarquer que le président Obama avait manqué une occasion unique de pouvoir, au début de son mandat, tordre efficacement les bras des deux ennemis, en se consacrant uniquement sur le bras Israélien lors d'un discours du Caire unilatéralement islamophile ou de condamnations de constructions à Jérusalem. En oubliant le bras adverse.
Quatre ans plus tard, le parrain américain regrette cette distraction qui a permis -ou obligé- la partie arabe à poser des conditions préalables à toute reprise des négociations.
Quatre ans plus tard, l'administration américaine a fini par comprendre que l'obstacle principal, dans l'esprit israélien, repose sur l'ambivalence d'une autorité palestinienne qui se refuse toujours à reconnaître l'État d'Israël, en tant qu'État juif, conformément à la déclaration de partage de 1947.
C'est dans cette méfiance existentielle et obsidionale, compréhensible à qui veut bien comprendre, que l'on doit interpréter le ressentiment de Jérusalem. Israël constate que ceux qui le pressent à s'engager dans de nouveaux accords et qui se proposent de garantir ceux-ci, ont, cette semaine, apporté leur voix à une résolution présentée unilatéralement par l'Autorité palestinienne, en violation des accords d'Oslo -qu'ils ont garantis- et qui prohibent toute initiative non négociée.
À ceux qui m'objecteraient les implantations controversées, j'objecte d'avance que lesdits accords ne les interdisent pas, en l'absence de frontières reconnues, que, précisément, la négociation doit fixer définitivement.
Il va sans dire que je suis sans illusion sur la portée de ces objections juridiques auprès d'un large public nourri dès le berceau au lait d'une idéologie palestiniste dont les mamelles d'où il sort sont l’une anti-occidentale, l'autre, xénophile.
Dès lors, les remarques factuelles que je pourrais faire sur la complaisance de l'Autorité palestinienne à l'égard du terrorisme de son frère ennemi islamiste du Hamas ou de l'antijudaïsme qui continue de sévir dans toute la Palestine, et qui n’inspirent guère au peuple israélien la confiance requise pour s'engager plus avant, se heurteront toujours au déni de l'irritante réalité.
François Hollande, le mois dernier, avait corroboré ce qui précède en disant préférer la voie de la négociation aux initiatives unilatérales déraisonnables. Mais l'idéologie de ses deux partenaires rouge et vert, sans parler de sa clientèle, aura été, une nouvelle fois, plus forte que la raison.
Dans ce contexte, en vrac, quelques informations que n'aura pas relatées la presse française idéologisée sans le savoir :
- elle ne relatera pas le sort fait samedi à ces dix chrétiens égorgés par des islamistes dans le nord du Nigéria.
- elle ne racontera pas l'acte de Yael, cette femme israélienne de 39 ans, résidente du village de Sde Avraham, qui a réussi à chasser un terroriste palestinien qui a fait irruption dans sa maison et l’a menacée avec un couteau et une barre de fer. Le public français ignorera qu'elle a lutté longuement avec celui-ci pour protéger ses quatre enfants avant de le faire fuir.
- Le public français ignorera aussi l'histoire de cette autre femme qui a prénommé son fils Jihad parce que celui-ci est né un 11 septembre et qui vient de l'envoyer dans une école d'Avignon avec un T-shirt sur lequel est imprimé, d'un côté : « je suis une bombe » et de l'autre : « Jihad, né le 11 septembre ».
- Pas davantage, la presse hexagonale ne s'appesantira sur les déclarations de l'acteur Gérard Jugnot à la télévision Suisse Romande, et dans lesquelles celui-ci vitupère l'art subventionné et la politisation du service public de l'audiovisuel français (Enquête et débat du 30 novembre).
Tant il est vrai que la décérébration des esprits par l'idéologie au pouvoir se cache plus dans la réalité qu'elle dissimule que dans celle qu'elle déforme.
En Syrie, les massacres se poursuivent dans l'indifférence totale.
En Égypte, le nouveau pharaon n'a pas renoncé à priver le pouvoir judiciaire de tout droit de regard sur les actes de gouvernement des frères musulmans.
Au Qatar, un poète vient d'être condamné à la prison à perpétuité pour avoir osé critiquer l'émir.
Ni Al-Jazira, ni la télévision française ne s'en sont émus.
Sur les raisons de ce silence d’or, je laisse le lecteur arbitrer entre l'idéologie xénophile et le pouvoir de l'argent.
« Printemps arabe » est devenu la blague la plus courte de la saison.