LORSQUE LA LASSITUDE NOUS GUETTA
Mardi 13 octobre, France Inter, question de Bernard Guetta à Élie Barnavi : «Ne pensez-vous pas, Monsieur l'ambassadeur, qu'Israël est peut-être un État éphémère, que c'est sans doute une erreur d'avoir créé un État européen au Proche-Orient, à l'heure où l'Europe se dégageait justement du colonialisme ?».
Au lieu de rejeter la question comme inaudible : réponse gentiment molle et convenue de Barnavi. Et pourtant Guetta est plutôt un bon gars, tout juste un peu, je l'ai déjà écrit ici, sensible à la pensée magique et à l'air du temps. Quant à Barnavi, c'est une belle intelligence doublée d'un ami avec lequel je me suis bien entendu lorsqu'il était en poste à Paris.
Mais pour ces deux personnalités qui hument et inhalent à pleins poumons l'air vicié des rédactions parisiennes, la sale question pouvait être posée.
Vendredi 16 octobre, le Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU a adopté le rapport Goldstone.
Ce rapport qui renvoie dos à dos Israël et le Hamas, mais dans la proportion d'un cheval et d'une alouette.
On remarquera au demeurant que l'alouette piaille de joie. Ce rapport qui inclut, de l'aveu même de son auteur, des témoignages dont il serait facile de réfuter l'insincérité en cas d'examen contradictoire.
Ce torchon n'a été voté exclusivement que par les dictatures islamiques et africaines qui composent l'aréopage onusien.
Il fut un temps ou même la presse la plus critique envers qui vous savez aurait brocardé cette majorité automatique de cordonniers vertueux et mal chaussés. Aujourd'hui, plutôt que de pouffer, la presse parisienne, à commencer par son premier journal qui paraît le dernier, prend les choses très au sérieux et avait déjà bien mal goûté que l'Autorité Palestinienne ait eu la sagesse d'accepter un renvoi de l'examen du texte.
Pensez donc, un peu plus et on était privé du rite délicieux de la mise en accusation publique.
Jeudi 15 octobre : apparition sur le site du MRAP d'un appel au boycott d'Israël intitulé :
«Boycottons les produits de l'oppression !». Annexé à l'incantation un modèle de lettre à adresser à l'ambassadeur d'Israël en France. Extraits choisis : «un boycott qui, comme nous nous permettons de vous le signaler est dirigé essentiellement contre les intérêts de l'État d'Israël et non pas, comme il vous plaît de le souligner avec des arrière-pensées évidentes, à l'encontre de la communauté juive tant l’antisémitisme reste étranger à notre démarche».
Vous avez bien lu : le pauvre ambassadeur n'a pas encore ouvert la bouche, que le mouvement de M. Mouloud la lui referme prestement en l'accusant d'instrumentaliser un antisémitisme imaginaire.
En psychanalyse, cela s'appelle la dénégation.
Cela fait des lustres que je m'échine à appeler les dirigeants communautaires, CRIF en tête, à traiter les extrémistes de gauche exactement comme ils ont traité la médiocre extrême droite. Ils ont continué à les considérer comme fréquentables. Résultat : le PCF, le Parti du gentil Besançenot, les Verts, conscients de leur immunité s'en donnent à cœur joie et ont rejoint le parti des boycotteurs. C'était ceux là qu'il convenait précisément de boycotter.
Moyennant quoi, Avocats Sans Frontières, que je préside, poursuit le mouvement «antiraciste» devant les tribunaux pour discrimination à raison de l'appartenance à une nation (Article 225-1) du Code Pénal.
Je signale au M.R.A.P. que le Président de la République et la Garde des Sceaux soutiennent la démarche déjà empruntée par Avocats Sans Frontières, à l'encontre d'Euro Palestine, en raison du caractère illégal et raciste du boycott d'Israël.
Je ne dis pas que le boycott de produits israéliens par des organisations gauchistes ou islamistes représente, pour l’heure, un péril tragique pour les «intérêts de l’Etat d’Israël» selon l’expression du M.R.A.P.
Mais c’est peut-être pire.
Pire comme une âme qui s’habitue sans rien dire.
Qui commence à s’habituer à la mise à l’index de produits juifs.
Comme elle s’est habituée, que dans les aéropages internationaux, ce n’est pas le Sri Lanka, la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite, l’Algérie, le Soudan, la Lybie, la Turquie, la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord, qui sont rituellement mis en accusation mais le seul État juif.
Pas le temps d’être las.