VERTIGO
J'avoue que je ne sais pas trop comment m'y prendre.
Dans mon avant-dernier blog-notes, je m'étais laissé aller à brocarder gentiment l'ignorance historique de Benjamin Barthe, pigiste au Monde, qui l'avait, hélas, fort mal pris.
Comment faire, avec son collègue titularisé par le même journal au même endroit, Michel Bole-Richard, sans trop l'offusquer ?
Ce dernier a pulvérisé en effet le record établi par son jeune confrère en matière d'ineptie linguisto-historique.
Résumons son mémorable article du 15 novembre dans lequel il relate la découverte archéologique au sud-ouest de Jérusalem d'un tesson de poterie vieux de plus de 3000 ans en hébreu archaïque.
Le journaliste tient à préciser que pour l'État juif, la question serait importante, car cette découverte «justifierait l'existence du royaume de David, élevée au rang de mythe en Israël.»
Avec une apparente bonne foi, Bole-Richard va jusqu'à concéder que cette découverte renforcerait la légitimité de la création d'Israël, «même s'il est établi que les Philistins, les ancêtres des Palestiniens, vivaient déjà dans cette région».
Vous avez bien lu. Le royaume de David relève du mythe. L'État juif a encore besoin de prouver sa légitimité historique, les ruines de Meggido, celles du temple d'Hérode relevant sans doute, ainsi que le pensait feu le grand archéologue Yasser Arafat, du mensonge hollywoodien. En revanche, ce qui est «établi», ce qui ne saurait être érigé en doute, c'est que les Philistins sont les ancêtres des Palestiniens.
Et peu importe que les premiers, peuple de la mer, vivaient non pas au sud-ouest de Jérusalem mais sur la bande côtière du sud-est de Canaan, c'est-à-dire du côté Tel-Aviv, venaient probablement de Crète et n’ont, en toute hypothèse, aucun rapport avec ceux que les journalistes du Monde et d'ailleurs nomment aujourd'hui définitivement les Palestiniens et qui ne sont venus d'Arabie pas avant le IXe siècle de l'ère chrétienne, et sans doute dans leur majorité, au début du XXe siècle, attirés de Syrie par la colonisation juive d'une terre jusqu'alors bien ingrate.
Résumons encore : en 135, les Romains, pour sanctionner définitivement les Juifs rebelles et défaits, décident de débaptiser la Judée captive et la nomment Palestine, du nom des antiques philistins. Près de 2000 ans plus tard, et toujours pour punir le peuple à la nuque roide, seuls les habitants non juifs du territoire disputé ont droit au titre de « palestiniens ». Et aujourd'hui, par la grâce d'un historien histrion, voici ces palestiniens décrétés héritiers, en ligne directe, des droits dynastiques des philistins, tandis que les Juifs sont invités à fouiller encore plus profondément une terre qu’ils n'ont fait jusqu'alors que de cultiver en surface, aux fins de prouver un titre de propriété pour l'heure encore bien incertain.
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Dans la dernière livraison de l'Express, Edgar Morin, dans un repentir aussi tardif que remarquable, reconnaît qu'il a eu tort dans le fameux article collectif commis avec Danielle Sallenave et Sami Nair, et publié par Le Monde selon Colombani, d’écrire que les Juifs prenaient plaisir à humilier les Arabes, alors qu'il s'agissait, des soldats israéliens.
Il faut dire que pour le théoricien précis de la pensée complexe, le distinguo était subtil.
On se souvient que nous avions fait condamner l'article, au grand dam des bétitionnaires habituels, défenseurs de la liberté d'expression.
La Cour de Cassation annula la décision, précisément au nom de la liberté d'expression.
Christian Vanneste est, on le sait, député UMP du Nord. Il a osé suggérer que l'hétérosexualité était supérieure à l'homosexualité au regard des règles naturelles de la procréation et de l'avenir de l'humanité qui en découlaient.
Pour cela, il avait fait l'objet d'une condamnation des tribunaux. Aucune pétition n'a été, au nom de la liberté d'expression, publié en sa faveur. La Cour de Cassation vient d'annuler sa condamnation, au nom de la liberté précitée.
Noël Mamère vient de signer une tribune dans Le Monde, évidemment, pour protester contre ce dévoiement insupportable de la liberté d'expression, attentatoire à la dignité des homosexuels.
Est-il besoin de préciser que Noël Mamère avait soutenu la liberté d'expression d'Edgar Morin ?