DÉPRESSION SAISONNIÈRE
Que la Compagnie Créole ait lancée un hymne à la gloire d’Obama peut se comprendre.
Encore que ne me viendrait pas à l'idée de voter pour Fabius ou Strauss-Kahn sous prétexte qu'ils sont d'origine juive.
Mais que Dominique de Villepin, dans une interview au Journal du Dimanche de cette semaine, lance extatiquement que le candidat démocrate représente «l'homme nouveau» en mettant en avant ses origines, me révulse.
Il fut un temps où l’aryanité était censée incarner l'avenir radieux.
La démarche à laquelle nous assistons mondialement est exactement similaire.
Jamais peut-être l'essentialisme d'un être, jamais l'obsession de la race d'un homme n'avait atteint pareils vertigineux sommets.
Je me fous de l'origine d’Obama. Si j'étais Américain, et en dépit de son incontestable talent, je ne voterai pas pour lui, pour des raisons étrangères à la couleur de sa peau et qui tiennent uniquement à son positionnement politique.
Il y a quelques années, j'ai créé le barbarisme de xénophilie pour illustrer cette dilection particulière pour l’altérité.
Mais xénophilie et xénophobie sont les deux facettes de la même médaille racialiste.
Dans un récent éditorial, Le Monde dénonçait la campagne de McCain, lui reprochant ses attaques contre le candidat démocrate. Et le journal, déjà, de prévenir : Si Obama était battu, la déception qui en résulterait chez les minorités serait grosse de tous les dangers.
Pourtant, les pires détracteurs américains du candidat républicain ont reconnu la remarquable tenue de sa campagne. Je n'ai lu nulle part dans la presse d'outre-Atlantique que le racisme anti- noir avait constitué le fonds de commerce du représentant de l'Arizona.
J'ai lu cependant, que venir reprocher au démocrate son «extrémisme» supposé était déjà sujet à soupçons.
Il résulte des consternants postulats xénophiliques qui précèdent, que si Obama, gagne ce sera l'aube d'un nouveau jour. Mais que, s'il perd, ce sera la marque du retour de l'infamie.
Puisque nous en sommes là, encore quelques petites nouvelles du Monde : entendu Philippe Val, sur une radio périphérique dire tout son écœurement pour l'attitude du quotidien dans l'affaire Siné.
Reçu hier un courriel de Benjamin Barthe (voir mon dernier blog-note «Misère et servitude du prolétariat médiatique») : sans trop d'humour ni d'aménité, notre journaliste militant (qui nous vient de l’Humanité) veut me prouver que les Arabes de Palestine ont également utilisé le vocable «palestinien», y compris dans le domaine sportif.
Ai-je soutenu le contraire ? Ai-je jamais nié leur spécificité ? Dans toutes mes conférences, dans tous mes livres (y compris le dernier avec Adler) j'affirme que ceux-ci disposent d'un excellent dossier, qu'ils gâchent depuis toujours tant en raison de leur irrédentisme que de leurs méthodes. Il faut dire que leurs soutiens européens extatiques, M. Barthe, ne leur facilitent guère le nécessaire travail de réflexion critique.
J'écrivais seulement – et je le confirme – que les Arabes de la Palestine mandataire se définissaient davantage en tant que tels – ou en tant que musulmans – plutôt qu'en termes de «Palestiniens».
À cette époque, et notamment en Europe, le vocable s'appliquait plus souvent pour évoquer les habitants juifs du territoire de Palestine. Ce qui, soit dit en passant, était tout aussi injustement réducteur que lorsqu'on l'applique aujourd'hui au bénéfice des seuls Arabes. Raison pourquoi, lorsque les sionistes de Palestine ont créé une association footballistique «palestinienne», ils se situaient dans une pure perspective nationale juive, à l'identique de la démarche arabe palestinienne actuelle.
Il semblerait que M. Barthe et ses amis soient moins sensibles à cette réduction linguistique contemporaine.
Voilà pourquoi, avec une candeur désarmante, notre journaliste se plaint de ce que l'association «palestinienne» de 1934 ne comportait aucun arabe, mais qu'il relève pour lui, littéralement, de l'impensable de s'étonner que celle d'aujourd'hui soit exclusive de tout juif.