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7 décembre 2016 3 07 /12 /décembre /2016 11:00

Paru dans Le Point - http://www.lepoint.fr/  
http://www.lepoint.fr/chroniques/goldnadel-alep-l-encre-antipathique-07-12-2016-2088559_2.php
      
Publié le 7 décembre 2016

Alep: L'encre antipathique

Soutenir Assad est non seulement immoral, mais irréaliste, s'emporte l'avocat Gilles-William Goldnadel. Qui s'étonne du silence des médias français...

Autant l'écrire tout de suite, je ne me fais pas l'ombre d'une illusion. Dans ce conflit syrien inextricable et confus, ma parole est inaudible. Et le message écrit qui va suivre est pratiquement illisible, d'autant plus qu'il est écrit à l'encre antipathique. Mais je l'écris tout de même. Pour me regarder sans honte et prendre date.

Le message scellé dans une bouteille lancée dans la mer des sarcasmes est le suivant: La prétendue realpolitik – à la mode aujourd'hui, plus à droite qu'à gauche, et qui exige que même lorsque les enfants d'Alep, dans les hôpitaux et dans les écoles, expient les fautes qu'ils n'ont pas commises, il faille soutenir Assad – est non seulement immorale, mais irréaliste. Elle est évidemment totalement immorale, car trop c'est trop. Un régime dictatorial et sanguinaire qui cible délibérément et spécifiquement des écoles et des hôpitaux et envoie sur eux les gaz et des tonneaux incendiaires est insoutenable et inexcusable. Mais ceux qui me connaissent savent que je ne souhaite pas particulièrement être enterré au paradis des moralistes désincarnés et que je sais surtout l'enfer pavé des meilleures intentions.

Mais c'est sur le terrain du réel que j'entends contester l'expertise supposée des défenseurs de la realpolitik. Tout d'abord, à Alep, l'organisation État islamique et ses détestables suppôts sont pratiquement absents. Dans la ville martyre, c'est principalement le front al-Nosra qui combat Assad et ses supplétifs iraniens et hezbollahis. Entre ces deux rivaux islamistes radicaux utilisant la terreur – l'un sunnite, l'autre chiite –, notre cœur moral et notre cerveau raisonnant ne sauraient balancer d'une quelconque manière.

La Syrie est condamnée à tout jamais à être divisée

Je sais bien, et mes amis à droite me le serinent souvent, que le régime bassiste syrien est plus tolérant à l'égard de la minorité chrétienne que les islamistes de tout poil. Je leur donne raison et j'en sais quelque chose. Qu'on me permette l'anecdote : en ma qualité de président de France-Israël, j'avais invité au début de la guerre civile une sœur syrienne d'origine palestinienne venue dire à l'assemblée que quand bien même elle n'approuvait pas le régime cruel d'Assad, elle le préférait aux bourreaux islamistes qui détruisaient les églises et massacraient les fidèles à la croix. Qu'avais-je fait là ! Je ne sais plus quel folliculaire de La Règle du jeu, la revue de BHL, m'accusa ni plus ni moins d'être un suppôt du régime. Moi qui, pratiquement dans le désert depuis plus de 20 ans, reprochait à Hafez puis à son rejeton les massacres commis en masse à Hama ou ailleurs dans l'indifférence la plus totale d'un journal du soir qui à l'époque disait officiellement et le bien et le mal…

Mais pour autant, et alors même que quoi qu'il arrive désormais, la Syrie est condamnée à tout jamais à être divisée, est-on tenu de délivrer un chèque en blanc à la radicalité chiite, à l'Iran obscurantiste des mollahs et au Hezbollah terroriste ? Mes amis de droite me serinent encore que Churchill, pourtant anticommuniste de bon aloi, avait bien dû choisir Staline plutôt que Hitler. C'est vrai, et il avait eu raison. Sauf que.

Sauf que c'était après avoir vainement bataillé contre les pacifistes irréalistes britanniques qui avaient refusé de s'armer contre Hitler.

Sauf que Staline, au moment du choix churchillien déchirant, était infiniment moins puissant que Hitler. Dans notre présente espèce, l'État iranien et le Hezbollah sont infiniment plus puissants que le pseudo État islamique sur le recul et non présent à Alep.
Sauf que, après Stalingrad, et contrairement à la crédulité (déjà) de son allié américain, Churchill commençait à envisager Staline avec une méfiance redoublée.

Une offre politique entre le mauvais et le mauvais

À présent que l'organisation État islamique recule partout, il est temps de regarder avec une égale méfiance la radicalité islamiste chiite. Je l'ai dit, je me fais peu d'illusions sur mes chances d'être entendu. D'autant plus que l'on dira que mes sympathies pour Israël ne sont pas pour rien dans l'envoi de cette bouteille en Méditerranée.

Et on aura parfaitement raison. On voudra bien pardonner effectivement le fait que le régime de Téhéran – qui fait graver sur ses missiles balistiques, dans l'indifférence absolue du monde, « Israël doit être détruit » – ne m'inspire pas une sympathie ou une confiance illimitée. Mais lorsqu'on s'intéresse de près au drame du Proche-Orient, il n'est pas impossible d'avoir quelques intuitions d'ores et déjà confirmées pour partie.

Même s'il est antipathique et cruel de le faire observer : l'offre politique au sein du monde arabo-islamique est encore aujourd'hui entre le mauvais et le mauvais. Raison pour laquelle je n'ai jamais cru au printemps arabe, contrairement à tous les bons esprits qui m'accablaient alors et parlent avec la même assurance aujourd'hui.
Qu'il me soit enfin et surtout permis, avec une immense amertume, de constater que les défenseurs autoproclamés des droits de l'homme, ceux que j'appelle les islamo-gauchistes, qui étaient descendus en masse dans les rues de Paris pour crier leur haine d'Israël – quand ce n'était pas des juifs – sous le prétexte de la guerre à Gaza déclenchée par le Hamas, se sont mis aux abonnés absents durant toute la durée du grand massacre.

Deux poids, deux mesures

Que l'on s'en souvienne: Quand les Arabes sont massacrés par des Arabes, quand des musulmans sont massacrés par d'autres musulmans et non par des Occidentaux chrétiens ou juifs, ils ne méritent pas qu'on mette le nez dehors.

Il y a quatre ans, l'ensemble des journaux télévisés ouvraient systématiquement sur le conflit israélo-palestinien, il est vrai qu'il était plus sûr pour un journaliste d'être présent à Gaza – dès lors qu'il était docile à l'égard du Hamas – plutôt qu'à Alep. Dans ce cadre médiatique et intellectuel déjà bien psychologiquement balisé, les diplomates, les politiques, l'ONU n'entendaient précisément regarder le conflit que sous un angle prétendument purement moral… Et pourtant…, les missiles islamistes partaient de Gaza, les boucliers humains existaient déjà à Gaza, et les frappes chirurgicales israéliennes ne visaient pas les hôpitaux. Pour imparfaites, elles étaient autrement moins meurtrières et bouchères que celles du camp Assad et de ses alliés.

Je prends date, vous dis-je.

Il est des jours où la morale rejoint le droit et l'intérêt. Même un point de vue tristement et dramatiquement réaliste ne saurait nous faire abandonner ces enfants d'Alep qui sont aussi les nôtres.

 
Gilles-William Goldnadel est un avocat franco-israélien, président de l'Association France-Israël.

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commentaires

P
Le conflit syrien n'est pas seulement "inextricable et confus".<br /> Les médias nous enfument, et elle nous prouve comment:<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=0DZSPy5KkWg
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P
Heureusement, Cher Maître, que vous ne l'avez pas servi à l'encre sympathique, je n'aurais pas eu le plaisir de vous dire combien je comprends ce billet, ayant eu des amis syriens dans les années 70/80, musulmans, démocrates et fervents défenseurs de Nazem Al Koudsi. Cela dit, je pense que le régime alaouite des El-Assad, minorité qui a toujours été méprisée, tire à sa fin et que la Syrie est en voie d'être divisée. Mon seul espoir est que cette division soit positive pour Israël. D'ici là, le sang continuera à couler.....
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P
"Un régime dictatorial et sanguinaire qui cible "délibérément et spécifiquement" des écoles et des hôpitaux" ?<br /> <br /> Me GWG, je pense que vous ne l'ignorez pas, mais ce sont précisément les terroristes djihadistes (de factions diverses) qui vont "délibérément et spécifiquement" et lâchement s'abriter dans ces écoles et ces hôpitaux et y stockent quantités d'armes et de munitions. Raison pour laquelle les écoles et les hôpitaux sont bombardés par le régime. Leurs cousins du Hamas faisaient exactement pareil à Gaza. C'est d'ailleurs pourquoi Vladimir Poutine disait qu'il ira les chercher "jusque dans les chiottes".<br /> <br /> Et pour ces terroristes djihadistes (des diverses factions), à Alep comme à Paris et à Bruxelles, leur combat est avant tout médiatique. Ils savent parfaitement que la quasi-totalité des médias dans le monde sont de gauche (et par-là indirectement acquis à leurs causes) et ils savent que ces médias gauchistes feront justement bien davantage leurs choux gras sur une école visée ou un hôpital visé par des tirs, plutôt que sur quelques cibles éparses (ce qui n'excuse pas ces médias, bien évidemment).
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C
"...Ramzan Kadyrov, qui est probablement le seul chef d'Etat (ou quasi-chef d'Etat) au monde à avoir torturé ses opposants politiques de ses mains."<br /> <br /> Quel sauvage ! Il pouvait pas demander à des hommes de main de le faire, comme on le fait à Gaza ou a Ramallah ? Il aurait gardé les mains bien propres.
R
Poutine parlait de "chiottes" au sujet de la Tchétchénie. C'est assez éloigné de Gaza. Il a effectivement infligé une guerre barbare aux Tchétchènes, pour finir par imposer à leur tête un... dictateur musulman, Ramzan Kadyrov, qui est probablement le seul chef d'Etat (ou quasi-chef d'Etat) au monde à avoir torturé ses opposants politiques de ses mains.<br /> <br /> Aujourd'hui, la Tchétchénie ne jouit d'une certaine paix et d'une certaine prospérité apparentes que parce que Moscou finance 80 % de son budget, et que rien n'est trop beau pour ce Dubaï poutinien du pauvre.

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