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Publié le 12/09/2016
Bacri contre Zemmour ou l'éternel retour de l'«antiracisme» et du politiquement correct
FIGAROVOX/CHRONIQUE - L'acteur Jean-Pierre Bacri a vivement critiqué Eric Zemmour, suggérant que celui-ci relevait de la psychiatrie. Pour Gilles-William Goldnadel, l'antiracisme et le politiquement correct se raidissent à mesure que leur pouvoir s'amenuise.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
L'antiracisme de pacotille à géométrie variable et le politiquement correct, son lieutenant de police, se raidissent au fur et à mesure que leur pouvoir se rétrécit.
Le New York Times a publié la semaine dernière de nombreux témoignages sollicités, émanant de femmes musulmanes de France qui laisseraient à penser que notre pays sombre dans le racisme le plus abject. C'est ainsi que l'une d'elles considère que l'on est plus libre au Maroc… où elle aurait préféré repartir. Une autre décrit un régime d'apartheid. Une troisième craint pour bientôt que l'on épingle sur la poitrine des musulmans une petite lune jaune… Très peu décrivent une autre «réalité» sur les centaines de témoignages livrés en pâture au public américain.
À dire le vrai, le journal new-yorkais a une longue tradition de conformisme intellectuel derrière lui. Pendant la deuxième guerre mondiale, son patron de l'époque, Arthur Sulzberger Jr, craignait qu'on lui reproche un improbable singularisme juif, impopulaire dans le cadre de la guerre difficilement décidée contre Hitler. Raison pourquoi l'on respecta jusqu'au bout sa stricte consigne de faire silence sur la Shoah (Laura Leaf «C'est écrit en page 7»). Les magnats de Hollywood ne firent pas autrement.
La peur mondaine a changé de peau, mais la tragique docilité au conformisme des libéraux américains, indifférente aux faits, est bien la même.
Avec ce courage intellectuel et politique qui le singularise dangereusement dans l'hémisphère gauche, Manuel Valls a dit ce qu'il fallait dire sur la partialité effarante de l'article du journal américain.
Mal lui en a pris de vouloir sauver l'honneur français, et les «Décodeurs» du Monde, relais du N Y. Times de l'autre côté de l'océan, l'ont sermonné vertement. On ne critique pas le New York Times quand on est correct, politiquement s'entend. Dans leur zèle, les journalistes qui se voudraient purement factuels, se permettent même de mettre en doute le fait que lors du fameux camp de décolonisation organisé par les amis des Indigènes de la République, les blancs auraient été interdits. Tout au plus, concèdent-ils, seules les victimes habituelles du racisme étaient-elles conviées. Lorsque l'on sait que nos militants développent la thématique centrale que le racisme émane seulement des blancs et que ces derniers ne peuvent donc en être les victimes, on arrive à la conclusion purement factuelle que l'on peut décoder à plein tube.
La lecture de Paris-Match de cette semaine est également édifiante.
Page 12: Interview de l'excellent Jean-Pierre Bacri: «Ce sont surtout les vedettes, les philosophes, les chroniqueurs qui ont la science infuse, contrairement aux autres qui n'ont rien compris».
Question de Paris-Match: «Vous pensez à un Éric Zemmour, par exemple ?»
Réponse: «Ce n'est même pas un intellectuel, c'est un vil propagandiste d'extrême droite, un gars frustré. Je ne le considère même pas comme un pédant, parce que lui, c'est plutôt des soins qu'il lui faut.»
Libre à Monsieur Bacri de ne pas porter dans son cœur Monsieur Zemmour, et de le considérer comme un pseudo intellectuel, à la manière subtile d'une certaine ministre de l'Éducation nationale.
De là à préconiser la méthode psychiatrique soviétique…
Page 22: interview de Laurent Ruquier et de Vanessa Burgraff (qui a fait sa rentrée dans l'émission «On n'est pas couché» du premier).
Question de Paris-Match: «Vanessa, vous avez été fortement critiquée sur Twitter après votre première émission».
Laurent Ruquier: «Alors là, je vous interromps tout de suite ! Vous n'allez pas faire partie des cons qui reprennent Twitter, cette fachosphère. C'est tellement débile. Vous n'êtes pas assez grands pour juger par vous-même ? Dites ce que vous pensez, ne vous basez pas sur trois Tweets de connards, s'il vous plaît. (…) Vous, les médias vous êtes les premiers responsables. Vous saviez peser le pour et le contre, stimuler les débats, vous faisiez réfléchir les Français. Maintenant ce sont 100 connards sur un réseau social qui vous dictent votre façon de penser. Ça rappelle le courrier des lecteurs, ça n'a aucune valeur. Il faut que les journalistes reprennent le pouvoir».
Intéressant et pathétique, ce cri spontané de l'aristocrate qui sent le pouvoir absolu lui échapper.
Certes, les réseaux sociaux, à commencer par celui du moineau bleu, charrient le meilleur et le pire, et l'auteur de ces lignes n'est pas le plus mal placé pour en témoigner.
Il est certains gazouillis qui sentent le vomi.
Moi ce n'est pas de cette mystérieuse «fachosphère» dont je pourrais principalement me plaindre, mais plutôt, pour emprunter la terminologie historique précitée, d'une «bolchosphère» ou d'une sphère islamiste qui semblent beaucoup moins affecter Laurent le magnifique.
Sur la toile bleutée, cet été, j'ai reçu de nombreuses fientes dont on peut résumer la structure délicate et cohérente par: «espèce de sale juif raciste» ou encore: «sale nazi sioniste, dommage que Hitler n'ait pas fini le boulot…»
Ce n'est pas pour autant que je vais demander la fermeture d'un réseau où je trouve de nombreux articles intéressants et des points de vue de particuliers dont j'avoue ne pas comprendre, à premier examen, pourquoi ils seraient moins légitimes que celui de Monsieur Laurent Ruquier.
De même, je confesse ne pas très bien saisir pour quelle raison le lecteur d'un journal serait, a priori, décrété moins respectable - et en l'espèce plus méprisable - qu'un collaborateur choisi par Monsieur Ruquier sur des critères que j'ignore.
À ce stade en effet, pourrais-je savoir de quel magistère intellectuel ou moral notre ponte médiatique peut se targuer pour pondre des édits aussi définitifs ?
Ses quelques émissions qu'il m'a été donné de regarder ne m'ont frappé violemment ni par leur hauteur de vue, ni par leur largeur d'esprit, ni par leur grande modération.
Il m'est arrivé, dans ces colonnes, de dire ce que je pensais des interventions de Monsieur Caron. J'ai encore à l'esprit la manière méprisante avec laquelle il a traité Véronique Genest. Je n'ai pas oublié l'accueil qu'il a fait à Alexandre Arcady, venu présenter son film sur l'assassinat d'Ilan Halimi, en lui objectant niaisement les morts de Gaza.
J'ai déjà lu des tweets plus subtils que cela.
Et s'agissant du respect des journalistes, c'est selon. Je me souviens comment mon client Clément Weill-Raynal, chroniqueur judiciaire à FR3, a été cloué au pilori, en son absence, pour avoir osé révéler l'existence du mur des cons du Syndicat de la Magistrature.
Sur le fond, quand on dispose, pour des raisons inconnues et en tout état de cause arbitraires, du privilège aristocratique de faire la pluie et le beau temps sur un service public de l'audiovisuel qui ne se caractérise pas par le pluralisme intégral, il est mieux d'éviter de cracher sur les gueux.
Et touchant toujours au pluralisme démocratique inhérent au cahier des charges de la chaîne de service public, j'aimerais savoir au nom de quel droit divin et personnel, l'intéressé pourrait répugner à inviter une dame bleue marine tout en déroulant, samedi soir encore, un tapis extrêmement rouge sous les pieds de Monsieur Mélenchon.
Que cela plaise ou non aux seigneurs médiatiques, l'occultation de l'information, des critiques, ou de la pluralité des points de vue est devenue plus malaisée. Et il serait plus seyant de le comprendre de meilleure grâce.
On ne peut plus écraser les petites araignées sur la toile, même avec des escarpins vernis.
Le politiquement correct se raidit. Comme un corps avant la mort.