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Publié le 19/09/2016
Accueil des migrants: Pour en finir avec les donneurs de leçons
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Plusieurs responsables de gauche ont réagi au refus de certains à droite d'une répartition des migrants de Calais sur l'ensemble du territoire. Gilles-William Goldnadel dénoncent les sermons sévères de l'antiracisme.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
À en croire Sylvie Kaufmann (Le Monde de ce lundi), ordinairement mieux inspirée, la droite, M. Wauquiez en tête, devrait «rougir» de rechigner à installer sans mot dire les migrants de Calais là où nos autorités voudraient le faire sans consulter les populations concernées.
Mme Cosse, notre ministre du Logement, administre la même leçon de morale au même M. Wauquiez dans une lettre très ouverte publiée par le Journal du Dimanche.
Passons sur le fait que l'intéressée ne soit pas forcément la plus habilitée pour donner dans l'éthique, elle, dont même son parti ne veut plus, pour avoir troqué sa fidélité contre un maroquin en cuir peu écologique.
Il est vrai que la gauche morale a édicté comme principe religieux que le sermon sévère rachetait les turpitudes pour pas cher.
Glissons sur ce détail de vouloir faire passer les clandestins officiels de Calais forcément pour des réfugiés. Oublions le fait que ceux-ci ne sont pas plus intéressés à s'installer à Castelnaudary ou à Pessac que les populations non consultées et superbement ignorées. Occultons le signal pour les candidats à l'immigration sans autorisation. Et surtout, abstenons-nous de persifler en constatant que nos édiles se sont abstenus de faire appel au volontariat, célébré hier par un monde artistique et médiatique aujourd'hui plus discret, ce dernier argument étant perçu comme d'autant plus vulgaire et assommant qu'il est embarrassant.
Non, ce qui nous intéresse plus profondément dans le présent billet, c'est de poser la question de savoir, précisément, qui devrait rougir de la catastrophe migratoire et sécuritaire.
À voir notre gauche morale et multiculturelle reprendre quelque couleur dès lors que les martyrs dorment depuis peu dans le noir et que la crise migratoire est devenue tellement chronique qu'elle s'est banalisée, il est indispensable de rappeler régulièrement quelques dures vérités.
Les Français n'ont pas à rougir de leur manque d'hospitalité. Ils ont accueilli au contraire depuis trente ans une population trop nombreuse et diverse au regard des capacités d'intégration de leur pays.
Bien plus grave, de très nombreux migrants se sont imposés sans y être invités. Phénomène inédit dans l'Histoire de l'immigration, célébrée extatiquement pour des décérébrés. Phénomène encore plus exceptionnel dans l'Histoire de la France, ceux qui se sont imposés ne sont plus exposés à l'expulsion, définition même de l'invasion.
Je ne me lasse pas de l'aveu de l'adjoint immigrationniste au logement de la maire de Paris, à une question que je lui posais sur RMC, M. Brossat me concéda qu'il était hors de question de raccompagner les clandestins non éligibles au droit d'asile…
Qui donc doit rougir de ce que les réfugiés qui méritent le plus l'accueil des Français sont les premiers à pâtir du dévoiement du devoir d'hospitalité ?
Les Français n'ont pas à rougir de leur crainte. Ils savent que d'autres pays mieux placés par la langue, la religion, l'ethnie, la culture, la géographie, l'économie se refusent - pour des raisons de sécurité - à remplir leurs obligations fraternelles. Curieusement, les donneurs de leçons morales sont plein de compréhension pour le Qatar et l'Arabie Saoudite .
Il est bien entendu que la face de M. Wauquiez et de ses amis devrait rougir en raison d'un racisme et d'une xénophobie implicitement sous-entendus. Leur désir du respect de l'État de droit le plus élémentaire ne vient pas à l'esprit de ceux qui le célèbrent avec des mots creux avant que de le vider de toute consistance. La sécurité, l'identité, la cohésion nationale sont toujours pour eux des concepts sulfureux.
Qui doit rougir de trente ans de faux antiracisme et de vrai racialisme obsessionnel ? Contrairement à ce que disait mon cher Alain Finkielkraut dimanche encore (l'esprit de l'escalier RCJ), le combat intellectuel n'oppose pas le camp de l'identité tempérée au camp de l'universalisme débridé. S'il s'agissait de cela, l'universalisme serait déjà plus défendable. Car l'universalisme de la gauche débridée n'est qu'un faux semblant. Sous couvert de ce que les races n'existeraient pas, il a exalté les souffrances de celles-là et exhalé les turpitudes de celle-ci. Souffrance noire, racisme blanc. Black Matters versus petits blancs. Et tant pis si c'est plus compliqué. Fin du daltonisme: L'antiracisme obsessif aura au contraire réussi à rappeler au blanc sa couleur et ses propres douleurs. Et vive la guerre des races.
Qui doit rougir d'avoir redonné des couleurs vives à la vive douleur ?
Bien entendu, ce cauchemar du monde réel n'aurait été possible sans la contribution irrésistible du monde virtuel prétendument antiraciste.
L'exemple le plus récent nous est offert par la dernière création de notre service public audiovisuel à la française, la fameuse France Info TV créée de par la volonté de la gauche médiatique en majesté présidentielle.
À peine activée, la voilà déjà brocardée pour une démonstration de son activisme.
C'est une éminence habituellement progressiste, Françoise Laborde, ancienne journaliste du service public et du CSA qui a lancé l'alerte, suivie par des milliers d'internautes.
Une journaliste de la chaîne nouvelle a en effet trouvé le moyen de présenter, de manière «spontanée», le dialogue entre une dame dissimulée derrière une burkah et une française acculturée. Les deux femmes censées, par un hasard cosmique, s'être rencontrées à l'instant même de leur dialogue filmé et enregistré, sur un banc de la malheureuse ville de Nice.
La dame cachée derrière son tissu prohibé (mais qui se soucie de l'État de droit sur le service public ?) administre doctement une leçon de démocratie citoyenne à sa voisine, mécréante avouée, qui l'écoute religieusement.
Renseignements pris, la donneuse de leçons est une islamiste militante notoire, et la journaliste avait pris lien avec ce philanthrope qui prend en charge les contraventions des dames emburkannées.
Pour faire bonne mesure, et au rythme des protestations, la chaîne nouvelle a modifié la présentation de cette leçon de culture citoyenne sur son site: Après avoir annoncé extatiquement «quand deux cultures se rencontrent sur un lieu de deuil, le dialogue s'installe, avec la compréhension», elle a évolué subrepticement vers un plus réservé: «quand deux femmes se rencontrent sur un lieu de deuil, le dialogue s'installe, malgré leurs différences…»
Mais soyons juste et n'accablons pas une journaliste du service public audiovisuel qui n'a fait que son devoir bien compris. Après tout Mme Ernotte, la maman de France Info, souhaite moins de blancs à la télévision et M. Mathieu Gallet, président de Radio France, vantait dans une tribune du Monde de ce mois «un rempart contre l'extrémisme»: «Est-ce le moment d'appeler à la disparition des seuls médias attachés à tisser du lien social autour de références communes ? N'est-il pas urgent au contraire de renforcer le service public, acteur majeur du vivre ensemble ?» (L'Express, 13 septembre).
Notre jeune préposée n'a donc fait que tisser du lien social entre deux femmes citoyennes et respecter très honnêtement le cahier des charges de France Info écrit en lettres sympathiques: imposer, fusse malhonnêtement, le multiculturalisme béat à la France d'en bas.
On rougirait presque de vouloir s'y opposer.