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Trump et les limites du politiquement incorrect
Publié le 08/08/2016
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Le politiquement correct repose sur des spéculations intellectuelles, jamais remises en question une fois le réel passé par là, estime Gilles-William Goldnadel. Illustration avec Traoré, Sainte-Rita, le père Hamel, No Border à Menton, Donald Trump et le pape.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
D'abord et quitte à froisser certains de mes lecteurs, je voudrais dire combien je vis comme une manière de malédiction de ceux qui souhaitent se libérer de l'idéologie gauchisante, la façon de communiquer du candidat Donald Trump.
On peut être de droite, fort en gueule et sans complexes, sans se sentir dans l'obligation absolue d'engueuler tout le monde.
On peut avoir, en bon casinotier, trouvé la martingale électorale qui gagne, celle de ne rien censurer excepté le politiquement correct, sans pour autant attenter aux règles les plus élémentaires de la délicatesse et de la gentillesse.
En raillant publiquement une malheureuse femme musulmane pour avoir écouté sans broncher son mari, le candidat républicain aura aussi moqué une mère éplorée qui a fait don à son pays de ce qu'elle avait de plus cher.
Il peut arriver que le politiquement correct soit correct moralement.
En ne le comprenant pas, le Donald a fait le plus beau des cadeaux à la Hillary.
Donald Trump n'est pourtant pas le plus mal placé pour savoir que le système médiatique américain est encore largement aux mains des «libéraux», autrement dit des gauchistes modérés. C'est ce système qui a tout pardonné aux Kennedy: un père pro-nazi et mafieux, le trucage des élections dans l'Illinois avec l'assistance du milieu de Chicago au détriment de Nixon, jusqu'à leurs frasques sexuelles.
C'est ce système qui continue d'être indulgent jusqu'à l'extrême pour le calamiteux Obama. C'est ce système qui fait écrire dans le New York Times que la police française est raciste comme le montrerait l'affaire Traoré… C'est ce système qui continue, fusse à présent à la marge, d'égarer les lecteurs électeurs et qui pourrait faire gagner Madame Clinton si Monsieur Trump continue de se tromper.
Au fond, et ainsi que le montre à présent le mouvement extrémiste Black Lives Matter, ce système est basé sur une idéologie esthétique et perversement narcissique. Il ressemble à s'y méprendre aux escroqueries intellectuelles commises dans l'art contemporain: bulle spéculative, effet de mode, outrance, snobisme, appuyé par un matraquage publicitaire sidérant. J'insiste sur la spéculation intellectuelle. Il vaut mieux asséner violemment et sans la moindre preuve que tous les policiers mis en cause ont tiré par pure haine raciale que de constater l'évidence raciste d'un tueur qui assassine délibérément quatre policiers parce qu'ils sont blancs. Là habite la perversion: spéculer gratuitement rapporte davantage que d'enfoncer vulgairement une porte ouverte sur une réalité gênante. Et elle est narcissique car elle porte le masque élégant de l'antiracisme généreux.
En France, l'heure n'est pas non plus à la modestie intellectuelle.
La maire de Lille, pour annoncer sa décision d'annuler pour raison de sécurité la grande braderie annuelle, a pris cette pose toute à la fois martiale et morale dont elle a la magie. Je ne voudrais surtout pas attenter à notre merveilleuse unité nationale ni faire le jeu de l'ennemi qui, paraît-il, guette le moindre signe de polémique fratricide. J'oserai néanmoins faire remarquer que ceux qui ont fait régner le terrorisme intellectuel pour empêcher tout débat sur l'immigration forcée et qui n'ont pas, par clientélisme, résisté héroïquement à la montée de l'islamisme, pourraient prendre une pose modeste, avant peut-être de faire une pause plus prolongée.
De manière plus générale, ceux qui se sont constamment trompés, ceux qui prétendaient par exemple qu'en matière de sécurité, la vidéosurveillance, les fichiers de renseignements constituaient un danger mortel. Les esthètes intellectuels raffinés et les poètes politiques inspirés qui encore récemment moquaient ou traînaient dans la boue les malotrus qui osaient questionner l'islam ou s'interroger sur la dangerosité des migrations invasives devraient méditer le beau mot d'humilité.
Et à défaut de leur venir spontanément, ce qui ne semble être le cas: Aux malotrus, aux enfonceurs de porte ouverte sur le réel cruel, à ceux qui sont peut-être populistes mais aucunement amnésiques, de la leur inculquer.
Terminons sur l'église. Celle de Sainte Rita, dédiée aux animaux, aura vu ses occupants déménagés sans ménagement . Le Figaro, et c'est à son honneur, se sera livré le 4 août à une enquête fouillée pour montrer que certains responsables de droite avaient tenu, et pourquoi non, à alerter la presse avant cette expulsion peu chrétienne quelques jours seulement après le drame de Saint-Étienne-du-Rouvray. D'autres journaux, ordinairement laïcs, se sont interrogés pieusement pour savoir si le lieu était encore consacré.
Le Monde, sur Twitter, titrait sur l'«indignation» de la seule «extrême droite»…
Que j'aimerais que la presse de gauche face montre du même esprit de rigueur que notre journal lorsqu'il s'agit de l'expulsion d'étrangers sans titre de séjour d'un squat illégal.
Ainsi, Le Monde consacrait un article à l'expulsion de Roms d'un local insalubre. Il affirmait que «les Montreuillois s'étaient mobilisés» en ce 2 août contre cette mauvaise action. Diable, 80 000 personnes, paraissent tout de même beaucoup à l'homme de peu de foi que je suis…
Je n'ai pas vu non plus beaucoup les publications progressistes, si attentives à la situation juridique locative des occupants de Sainte Rita, s'interroger sur la licéité et la légitimité de l'action des No Border dans le forcement par plus de 200 migrants de la frontière française à Menton. Voilà des passeurs qui n'ont pas mauvaise presse et qui n'auront donc pas à craindre beaucoup les foudres d'un ministre de l'Intérieur qui se voudrait jupitérien.
Retour sur les propos récents des éminences catholiques.
Comment le dire avec respect, mais certains propos convenus de l'archevêque de Rouen célébrant l'hommage au martyre du malheureux Père Hamel n'auront atteint, hélas, ni mon cœur ni mon esprit. Après s'être félicité lourdement du nombre de musulmans présents dans la cathédrale - propos repris en chœur et de bon cœur par la presse bonne enfant - les aurait-on comptés ? - , le prélat s'est écrié: «Plus jamais ça !». Pardon de l'écrire crûment, mais il est des expressions tellement galvaudées qu'elles ont perdues depuis longtemps toute force symbolique. Il en est ainsi de ce plus jamais ça ! issu de l'après-Shoah et que l'on prononce désormais rituellement après chaque catastrophe. Si ce plus jamais ça ! était doté de quelques effets, voilà bien longtemps qu'il serait devenu inutile. Plus jamais de plus jamais ça !
Terminons par le Saint-Père. N'étant pas tenu de croire aveuglément en l'infaillibilité papale, je m'exprimerai les yeux ouverts et librement. Déjà, j'eusse préféré que le souverain pontife ramène dedans ses malles un chrétien et un yazidi , martyrisés ès qualité en Syrie, en même temps que ces musulmans qui ne risquaient plus rien dans cette Turquie qu'il visitait. Mais qu'au lendemain du martyre de Saint-Etienne, après l'égorgement d'un prêtre lumineux, déraciné comme un vieux rouvre normand, le guide suprême des catholiques renvoie dos à dos violences chrétienne et mahométane, voilà qui, littéralement, me pétrifie.
Les plus récents successeurs de saint Pierre auront tous vitupéré notre époque relativiste. Et voilà que le dernier commet une terrible équivalence doctrinale et historique.
Les post-chrétiens gauchisant s'en réjouissent justement. Eux qui, après son discours de Ratisbonne sur la nécessaire réciprocité religieuse, n'hésitaient pas à rappeler à l'allemand Benoît XVI son passé dans les jeunesses hitlériennes, se révèlent à présent comme les plus vibrants des papistes à l'égard de son successeur vécu comme un théologien américano-latin de la libération. Les mêmes qui, à présent, béatifient Angela après avoir coiffé Merkel d'un casque à pointe pendant l'affaire grecque.
Disons, pour rester sobre, que l'avion qui ramenait François vers Rome, tandis qu'il prononçait ses propos économes, ne devait pas voler à très haute altitude.
À ce stade final du calvaire occidental, qu'on autorise un Juif très proche de Jésus de Galilée mais très éloigné de Saül de Tarse, à citer le Talmud: «Si je ne suis pas pour moi, alors qui le sera ? ».