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Le monde médiatique, le déni islamiste
et la sottise victimaire
Publié le 25/07/2016
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Après les attentats en France et en Allemagne, Gilles W. Goldnadel critique «cet étange monde médiatique, enfermé dans un bunker capitonné» qui navigue dans un «univers virtuel, rebelle au réel mais docile envers l'idéologie».
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
Il pourrait y avoir dix attentats terroristes islamistes par jour que le scénario médiatique serait toujours immuable.
Étrange monde médiatique, enfermé dans un bunker capitonné, où n'ont droit de pénétrer que ses membres encartés ou des invités strictement adoubés. Univers virtuel, rebelle au réel mais docile envers l'idéologie. Partisan de l'éducation d'un peuple borné.
Phase 1: Sidération et compassion. Gros plan sur l'allumage des bougies. Tentatives de dénégation de toute présence islamiste dans l'événement. Immanquablement, la thèse de la folie ou de la dépression va être mise en avant. Comme s'il fallait choisir entre le menu imposé de la démence suicidaire et le dessert déconseillé de la haine communautariste. Comme s'il était si difficile à comprendre pour les privilégiés qui se tiennent pour l'élite, que l'irrationalité démentielle, la mégalomanie, la paranoïa, le sadisme, le fantasme de la persécution, le ressentiment social ont toujours fait bon ménage dans l'histoire individuelle et collective avec la haine politique totalitaire. À Nice, le sommet du négationnisme aura culminé avec l'absurde chimère ministérielle de la radicalisation spontanée de l'auteur de l'attentat, reprise sans discussion par la classe médiatique.
Phase 2: Reconnaissance contrite de la réalité islamiste.
Phase 3: Les temps de la sidération et de la compassion minimale pour les victimes étant écoulés, vient celui de l'irrésistible victimisation des musulmans et de la culpabilisation symétrique.
Après Nice, certains se seront appesanti lourdement sur le nombre des victimes musulmanes de l'attentat. Tri étrange et macabre. Tri sélectif et ethnique. Aucune autre communauté dans la peine n'ayant été comptée. Si ce n'est celle de la communauté nationale, visée dans son ensemble.
Sur la radio de service public France Inter, vendredi, Jean-Louis Bianco qui restera dans la petite histoire pour avoir décrété que la France ne connaissait pas de problèmes de laïcité, commença sa prestation en incriminant sans désemparer une partie de la population niçoise dont la parole raciste se serait libérée…
La palme académique de la sottise victimaire devant revenir de droit au préfet du Rhône, qui avec des airs de Jean Moulin, et dans le même temps qu'à juste titre il venait condamner dans une mosquée de Lyon des tags insultants pour la communauté musulmane, compara ceux-ci aux prémices de la nuit de cristal en Allemagne.
Je m'inscris en faux contre cette indécente comparaison, moins par respect de la décence historique que parce que je sais que le fantasme victimaire explique grandement le ressentiment agressif et que l'être humain est prompt à se sentir victime dès l'instant ou des tiers inconscients l'encouragent sur cette voie confortable.
Et si l'on considérait étrangement que le peuple juif n'était pas le premier concerné par le génocide nazi, alors il me semble que le sort tragique des chrétiens d'Orient ou des Yazidis serait plus adapté à des comparaisons mêmes osées.
Étrange idéologie. Il est inacceptable de faire porter sur l'ensemble de la communauté musulmane de France le poids des attentats islamistes. Et je n'ai vu aucune personne publique, Dieu merci, le faire.
Il est tout aussi inacceptable de considérer celle-ci comme la communauté victime. Et beaucoup le font, à commencer par un responsable d'État irresponsable.
Le scénario n'aura pas été très différent en Allemagne, où une manière d'accords de Munich médiatiques aura docilement accepté la thèse «évidente» d'un jeune germano-iranien, clone du Norvégien suprématiste blanc Breivik. La coïncidence des dates étant sensée emporter la conviction sans discussion. Je gagerais que les jours qui viennent éloigneront le jeune David Ali des fjords norvégiens.
Toujours est-il que mon imagination est impuissante à décrire à quoi aurait ressemblé la réaction médiatique, si par hypothèse, et pourquoi non, l'auteur du massacre aurait été, pour cette fois, non un Iranien fils de réfugiés, mais un germain tout blond, ressemblant davantage à l'assassin d'Oslo. Il est bon parfois de se remémorer l'actualité récente, histoire de comparer. Le mot bien en cour en ce moment dans les médias est celui d'hystérie. Pas question d'«hystériser» en période dramatique. Le sage conseil que voilà. Ne pas céder à la psychose collective. Ne pas généraliser. Ne pas trouver de boucs émissaires. Évidemment. Le drame c'est que ceux qui, en ce moment, mettent en garde lourdement contre l'hystérie collective sont largement les tenants de l'hystérie sélective. L'exemple de la manière dont auront été traités par une partie de la presse sermonneuse les massacres de Breivik est des plus éclairant.
Point question alors de focaliser sur un loup nordique et solitaire, point question de miser uniquement sur la folie d'un personnage tellement insensé que les experts et tribunaux d'Oslo s'y seront repris à plusieurs fois pour statuer sur la responsabilité pénale de l'assassin de masse.
Pas du tout, dans la circonstance, il convenait de redouter hystériquement et collectivement les dangers du racisme blanc. Mieux que tout: mettre en fiche les suspects et dénoncer sans réticences les dangereux inspirateurs qui auront armé intellectuellement l'assassin. Je renvoie à ce sujet aux articles (6 août 2011, 16 avril 2012) du Monde et de l'Obs Rue 89 qui n'auront pas craint de désigner l'historienne Bat Yeor ou Alain Finkielkraut…
Terminons sans conclure sur le procès en responsabilité qui se dessine de plus en plus nettement à l'encontre du ministre de l'intérieur concernant le drame niçois.
Le paratonnerre de l'unité nationale utilisée avec effronterie a déjà fait long feu. Les affirmations de la policière municipale en charge de la vidéosurveillance accusant le pouvoir d'avoir fait pression sur elle pour attester de la présence d'une police nationale qu'elle n'a pas constatée sont troublantes mais devront être vérifiées. Reste toutefois qu'il semble acquis désormais aux débats que le pouvoir aura voulu détruire des enregistrements vidéo pour une raison obscure.
J'avoue en mon for répugner à vouloir faire le procès d'un homme en une matière où la spéculation intellectuelle et les arrière-pensées politiques sont puissantes.
Il demeure néanmoins, sur le fond, une responsabilité judiciaire et idéologique incontestable. La semaine dernière, j'insistais déjà sur le fait indiscutable que l'auteur principal de la tuerie de Nice, ressortissant tunisien, titulaire d'une carte de séjour provisoire, plusieurs fois mis en cause pour des délits de vol ou de violence, et encore récemment condamné à une peine de prison avec sursis pour vol avec arme, aurait dû, dans un système judiciaire responsable, être expulsé.
Cette semaine, nous apprenions du Point, que l'un de ses complices présumés, A.H, citoyen albanais, avait été appréhendé pour infraction le 2 mai par la police qui avait constaté qu'il faisait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière. Le décret d'expulsion qui le frappait n'a pas été exécuté et le 3 mai, l'individu était libéré sur ordre de l'officier de police judiciaire.
Personne désormais ne pourra me convaincre que l'hécatombe relevait de la pure et inévitable fatalité.
Une idéologie quarantenaire l'aura préparé, et les hommes et les femmes qui l'auront accompagné, politiquement, intellectuellement et médiatiquement devraient, à tout le moins, apprendre l'humilité.