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Ce système médiatique qui fait une montagne d'une taupinière
Publié le 07/06/2016
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Grèves de la CGT, affaire Benzema, œufs lancés au visage d'Emmanuel Macron... Pour Gilles-William Goldnadel, les médias transforment en polémiques vaines des événements négligeables.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
Je m'épuise depuis longtemps, dans ces colonnes et ailleurs, à tenter de faire comprendre qu'au-delà de la faiblesse des hommes politiques, de leurs limites, de leurs humaines insuffisances, la responsabilité principale du désastre annoncé ne leur incombait pas mais plutôt à un système médiatique qui grossissait tels événements négligeables, négligeaient tels autres essentiels, en fonction d'une idéologie réflexe irréfléchie. Le monde réel cédant le pas à un monde virtuel dans lequel l'homme se perdait.
Pour puiser mes exemples récents dans la semaine passée, le vrai scandale Benzema n'habite pas dans les déclarations ineptes d'un footballeur mis en examen rejetant sur la France raciste son éviction de l'équipe nationale, mais plutôt dans le fait que les accusations gratuites et indigentes d'un personnage à l'intellect limité aient pu alimenter jusqu'à l'indigestion la chronique médiatique.
Précisément, l'appétit insatiable de la presse à se repaître de ce genre de sorties surmédiatisées réside dans cette idéologie «antiraciste» réflexe irréfléchie, obsédée pathologiquement par le racisme, et qui, mécaniquement, n'aboutit objectivement qu'à entretenir la guerre des races.
Dans un registre voisin, le tollé issu d'extraits vidéo sélectionnés, suivi d'une pluie de commentaires orageux sur un événement aussi minuscule que la dispute entre Emmanuel Macron et des militants gauchisants à propos du costard du premier et des T-shirts des seconds est de la même farine à soufflet médiatique, et n'aboutit objectivement qu'à entretenir la guerre des classes.
Pendant ce temps, des événements sans doute plus importants pour le destin des gens sont traités avec une économie de commentaires assez remarquable.
Certes, le nouveau camp de migrants ordonné sans consultations par la maire de Paris a déclenché un début de polémique. Il aurait surtout été utile de commenter les déclarations de son adjoint communiste au logement Ian Brossat à RMC et que j'avais déjà révélées dans cette chronique pour les avoir provoquées. Dans une émission à laquelle je participais, je demandais à l'édile local ce qu'il conviendrait de faire des migrants illégaux non éligibles au droit d'asile. Celui-ci sans ambages me répondit qu'il était hors de question de les expulser. La preuve était ainsi rapportée que la question des réfugiés de guerre est un prétexte et que l'extrême gauche immigrationniste est le principal obstacle à l'accueil humain et possible des seuls qui le méritent moralement et juridiquement.
Mais plus encore, la minimisation d'événements notables sur le même sujet est à trouver dans l'absence de tout commentaire sur la fermeture du camp de migrants des jardins d'Éole à Paris à la suite de la découverte de plusieurs cas de tuberculose par essence très contagieuse, ainsi qu'après l'arrestation en Allemagne de plusieurs migrants Syriens ayant transité par la Grèce et ayant pour projet de commettre des attentats en série en Europe.
Pour ces deux événements sans doute plus conséquents que les déclarations d'un footballeur ou le costume d'un ministre, et mettant en cause un principe de précaution ordinairement exalté, la discrétion était de mise.
Dans ce contexte, les déclarations à contre-courant médiatique obligé du dalaï-lama ont été accueillies avec gêne. Celui-ci en effet, tout en manifestant son empathie pour les réfugiés, recommandait l'extrême prudence aux Européens au regard de la protection de leur identité. Hélas, le chef spirituel du peuple tibétain n'est pas le plus mal placé pour savoir que l'identité d'un peuple peut être submergée sans combat. On le comprend peut-être dramatiquement mieux à Lhassa qu'à Paris. Ou à Rome.
Dans cette guerre médiatique permanente sur fond idéologique, une bataille des mots-clés pour fermer les esprits fait rage à bas bruit. Ainsi du vocable «modéré» et de son contraire «ultranationaliste».
Par exemple, la presse hexagonale a longtemps estampillé le président turc Erdogan comme «islamiste modéré», et même à présent qu'il n'est plus affublé de cet aimable oxymore, il demeure, et son régime avec lui, «islamo-conservateur». Exactement comme celui des mollahs, le président iranien étant invariablement et nécessairement tenu pour «modéré».
La même remarque valant pour Abou Abbas de Palestine.
Dans le même temps, le mirobolant et fort bourru nouveau ministre de la défense israélien est unanimement tenu pour «d'extrême droite» quand il n'est pas «ultranationaliste». À ce stade lexical, il conviendrait aux faiseurs d'appellation contrôlée, à commencer par l'AFP, d'expliquer pour quelles raisons inconnues il n'y aurait pas d'extrême droite nationaliste en Palestine ou en Iran.
À ce moment du questionnement, j'indique que le président palestinien et modéré déclarait le 26 avril: «Je mets au défi tous les jours de me ramener un vestige archéologique juif de Jérusalem, ou pour montrer une pierre du temple présumé». Je rappelais dans une précédente chronique que le même disait des juifs «qu'ils souillaient de leurs pieds sales l'esplanade des mosquées» tout en glorifiant, sans doute par modération, le martyre de leurs agresseurs à couteaux. J'indique également que le président Rohani, le modéré, a déclaré à plusieurs reprises: «qu'Israël est un corps étranger qui devrait être extirpé de la région», que les derniers missiles balistiques du régime «islamo-conservateur» portent sur leurs flancs: «Israël sera détruit» et que Téhéran a organisé la semaine dernière un concours de caricatures négationnistes dans lequel l'un de nos compatriotes a remporté la palme et dont la presse antiraciste a fait là encore assez peu de cas. (Lire à ce sujet le Washington Post du 9 mai "Les «modérés» de l'Iran et l'Holocauste").
Voilà pourquoi j'accorde modérément ma confiance aux appellations contrôlées par l'idéologie.
Il est d'autres qui s'octroient sans débat des épithètes ronflantes mais corrompues. Ainsi de ces «antifascistes» autoproclamés qui manifestaient ce dimanche pour rendre un curieux hommage à leur martyr Clément Méric. Après avoir agressé quelques policiers, nos résistants scandaient entre autres mots d'ordre rebelles: «tout le monde déteste la police» et «tous les flics sont des bâtards».
Je propose en conséquence, pour mieux les illustrer, l'usage sans modération du terme «gauche facho».
On achèvera ce tour des mots de passe, par celui de «voyou».
J'attends avec impatience le procès pour injure que le leader à moustache géorgienne de la CGT dit vouloir diligenter à l'encontre de celui du Medef. Sans doute, le premier entend-il faire citer les gros bras d'Air France arracheurs de chemises, le comité d'entreprise EDF condamné avec l'Humanité pour détournements, les islamistes bagagistes d'Air France encartés CGT, ainsi que les censeurs des journaux qui ne veulent pas se coucher… à titre de témoins de moralité.
Il a dû arriver qu'on fasse du mot voyou un usage plus immodéré.