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Publié le 09/11/2015
Goldnadel: El Khomri, Marisol Touraine, Fleur Pellerin, la gauche morale perd la tête
FIGAROVOX/CHRONIQUE - La ministre de la Santé a assorti l'autorisation étendue aux homosexuels hommes de donner leur sang de la condition qu'ils soient abstinents depuis 12 mois. Pour Gilles-William Goldnadel, cette mesure est sanitaire et non discriminatoire.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
Les médias ont été injustes envers Marisol Touraine cette semaine. C'est vrai quoi, il n'y en a eu que pour une ministre du Travail qui veut terrasser le chômage sans travailler un peu. La ministre de la Culture, dont on connaît l'inculture, a également fait parler d'elle pour nourrir le projet de priver Valeurs Actuelles de subventions sous le prétexte finaud que son directeur de publication a fait l'objet d'une condamnation pour diffamation d'une religion. À mon avis, Madame Pellerin ne devrait pas trop compter sur cette argutie pour tenter de faire taire cet hebdomadaire de franche et droite opposition. D'abord parce que la ficelle est un peu grosse pour étrangler efficacement la réfractaire, ensuite parce qu'il m'étonnerait que voiler Marianne sur sa couverture soit considérée par les cours d'appel et de cassation autrement que comme une manifestation de la liberté d'exprimer son refus de l'islamisation forcée d'un pays laïc.
Un esprit candide pourrait se demander pour quelle raison Madame Pellerin, en mal de sanctions financières, n'a pas tourné son regard un peu fixe vers le journal L'Humanité. Voilà une publication, condamnée pour complicité de détournements de sommes importantes au détriment du comité d'entreprise EDF dominé par la CGT (voir ma chronique de FigaroVox). Vraiment je ne comprends pas.
Mais retour à Marisol Touraine. Celle-ci a cru devoir prendre un décret censé mettre fin à une discrimination à l'encontre des homosexuels en matière de collecte du sang. Le don de sang total sera désormais ouvert aux homosexuels masculins - considérés comme une population à risque - au rebours d'un arrêt de 2009 qui en prohibait la collecte. Mais des associations se plaignent à nouveau de discrimination puisque les donneurs concernés devront signer une attestation stipulant qu'ils n'ont pas eu de relations sexuelles au cours des 12 mois écoulés… bref, la discrimination continuerait.
Est-il permis d'écrire ici qu'aussi bien du côté de la ministre que des associations censées lutter contre l'homophobie, l'idéologie victimaire qui sous-tend la démarche devrait être bannie ?
L'auteur de la présente chronique connaît bien la matière pour avoir défendu l'un des principaux protagonistes de l'affaire dite «du sang contaminé», il n'est donc pas le plus mal placé pour affirmer que c'est précisément cette idéologie victimaire qui est à l'origine de terribles malheurs, notamment chez les hémophiles.
Retour nécessaire en arrière. Il est aujourd'hui incontestable et incontesté que c'est au nom du principe de non-discrimination entre les individus que la collecte du sang contaminé par le virus du sida auprès de groupes à risque s'est poursuivie, entraînant la contamination en chaîne des pools de plasma sanguin destinés aux hémophiles et provoquant ainsi un très important nombre de victimes.
Dans mes Martyrocrates (Plon 2004), j'ai voulu montrer que cette politique irresponsable et même criminelle s'inscrivait dans le cadre d'une idéologie largement inconsciente post-shoahtique en proie à l'obsession du sang mêlé. À la fascination fasciste du sang pur, l'antiracisme pur et dur doit nécessairement répondre par le métissage obligatoire et la nécessité de mélanger le sang des hommes sans discrimination.
Ainsi, comme le reconnaît Le Monde du 15 février 1999, lors du procès surréaliste mené devant la Cour de Justice de la République, la circulaire de juin 1983 qui demandait l'exclusion des «groupes à risque» n'a jamais été appliquée, d'où le nombre de contaminations en France.
Ainsi que je le faisais remarquer dans Le Figaro du 18 février 1999, le réputé docteur Habibi, ancien médecin au Centre National de Transfusion Sanguine, mis en examen, avait livré, lors de son témoignage devant la cour, la principale raison culturelle du drame.
Celle-ci était incarnée par la «tradition française d'intégration et de non exclusion des personnes, forgée par l'école» qui «incite à ne pas marginaliser une couche sociale».
Comme l'écrivait très bien notre cher Christian Combaz dans un article justement intitulé «Mortels Principes» (Le Figaro du 1er mars 1999): «Quand, le 20 juin 1983, le Docteur Roux signe une circulaire attirant l'attention sur la nécessité de dépister les groupes de donneurs à risque, il est accablé d'insultes. Fasciste, raciste, tout y passe… le Docteur Roux, décidément téméraire, maintient qu'il n'est pas raisonnable de laisser les centres de transfusion accepter n'importe quel sang. N'importe quel sang ? Quel vocabulaire ! Les préjugés de la Bête Immonde se seraient-ils nichés dans les labos de la république ?»
Un autre article lumineux du professeur Roger Henrion lui avait emboîté le pas, toujours dans Le Figaro, le 23 février 1999: «Quand Michel Setbon, chercheur à l'Inserm, insiste sur le rôle, dans la déplorable exception française, de l'absence de sélection de donneurs, de la réticence à modifier cet état de fait et de la volonté de ne pas écarter des dons du sang des populations à risque par crainte de favoriser la discrimination raciale et sociale, il a parfaitement raison… quand le président de la Cour de Justice de la République, cherchant une explication, parle d'idéologie… le propos est exact. L'idéologie a en effet pesé très lourdement sur toutes les décisions et leur application à tous les niveaux. «Déjà peu enclins à poser certaines questions, nombreux sont les médecins qui se cabrèrent contre l'injonction gouvernementale. En outre, le malheur a voulu que l'épidémie atteigne d'abord les homosexuels, les toxicomanes et les Africains. Dès lors, toute proposition de dépistage de sélection des donneurs devenait, au mieux une manifestation d'hostilité envers les homosexuels, les toxicomanes et les Africains, au pis une incitation à une discrimination inadmissible et scandaleuse.…»
De la même manière, Le Monde du 24 février 1999 incrimine la décision de la directrice de l'administration pénitentiaire d'autoriser l'augmentation des collectes dans les prisons où était concentrée une forte «population à risque». Ces collectes, rappelle le journal, ont représenté 0,37 % des dons en 1985 et ont été à l'origine de 25 % des contaminations cette année-là !
Ainsi que le souligne l'auteur de l'article du Monde, «des causes culturelles (volonté de ne pas exclure, humanisation des prisons), associées à l'inconscience du risque, ont été avancées pour justifier la poursuite de ces prélèvements».
En réalité, la directrice précitée ne voulait pas «mettre à l'index la population carcérale» comme le rappelle Christian Combaz dans l'article précité «Madame Ezratti, alors directrice de l'administration pénitentiaire, pour qui la transfusion est un moment récréatif et une voie de réinsertion, recommande par une circulaire de janvier 1984 de faire appel aux dons de sang des détenus: «non plus deux mais cinq fois par an» .…
Ainsi donc, pour honorer un principe dont le fondement m'échappe un peu dans son importance fondamentale (le droit de pouvoir participer aux collectes de sang…) sans encourir le reproche d'une discrimination raciale ou sexuelle en l'espèce inexistante, on a causé des morts par centaines.
Était-il à nouveau nécessaire, pour des raisons à la fois politiques et électoralistes de risquer à la fois des contaminations et de faire revivre des querelles idéologiques apaisées ?
Le risque sanitaire est toujours présent. La preuve, la ministre maintient une mesure particulière concernant la population homosexuelle masculine. L'homophobie n'a strictement rien à voir avec cela, simplement la nature physiologique et sociologique. Les homosexuels ne sont pas plus vecteurs du sida que les hétérosexuels. C'est la sodomie qui est en cause puisque la paroi anale est plus poreuse que la paroi vaginale. Or, il n'est sans doute pas homophobe d'affirmer que la sodomie est davantage pratiquée au sein de la population homosexuelle que de la population hétérosexuelle.
Sociologiquement, il semblerait en outre, que la population homosexuelle soit sexuellement plus affranchie et que les rencontres multiples favorisent statistiquement le risque de transmission du VIH.
Ces données n'étant sérieusement contestées par personne, à quoi rime de remettre en question un arrêté dont l'économie prophylactique était admise par le plus grand nombre ?
À quoi rime, de prétendre, pour satisfaire un symbole creux, qu'on met fin à une discrimination nécessaire pour imposer aussitôt à la population soi-disant discriminée un traitement particulier ?
À quoi rime ce délai d'un an d'abstention si ce n'est pour rendre dans les faits pratiquement impossible une collecte qu'on prétend vouloir favoriser ?
Était-il avisé médicalement et judicieux psychologiquement de revenir sur une mesure sanitaire observée dans de nombreux pays développés pour permettre à nouveau à l'idéologie victimaire de se refaire une santé sur le dos de la santé ?