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7 octobre 2015 3 07 /10 /octobre /2015 16:18

Paru dans FIGAROVOX LE 07/10/15

lefigaro.fr http://www.lefigaro.fr/vox/

Goldnadel: Réflexions sereines sur l'affaire Morano

FIGAROVOX/CHRONIQUE - Gilles-William Goldnadel revient sur la polémique déclenchée par Nadine Morano après son utilisation du mot «race». Pour lui, ce mot est dévoyé par l'antiracisme.

Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Il tient une chronique hebdomadaire sur FigaroVox.

Dans mes «Réflexions sur la question blanche», qui datent déjà de 2011, j'essayais précisément de réfléchir à froid sur l'indicible tabou des tabous. Maintenant que le tintamarre médiatique issu de l'affaire Morano est en train, peu à peu, de baisser d'intensité névrotique, je vais m'autoriser, dans une relative sérénité retrouvée, de tenter d'expliquer pour quelles raisons, précisément, le débat relève de la névrose collective.

Observons d'ores et déjà, que le procès en xénophobie raciste intenté à Nadine Morano, quel que soit le regard que l'on porte sur la forme de ses propos, relève plus du domaine de l'inquisition religieuse que du débat politique ou juridique, puisque, à ma connaissance, nul ne lui a clairement, alternativement ou cumulativement, reproché, soit de ressusciter la notion désormais sensible de race, soit d'avoir considéré que les Français devaient être majoritairement blancs et chrétiens, selon la formule attribuée par Alain Peyrefitte au général de Gaulle.

1. En ce qui concerne la notion de race, j'affirme que personne n'est capable de dire si le mot «race» est ou non un gros mot, dans l'esprit universel.

Dans un ouvrage pédagogique, s'il en est, sur le racisme, puisqu'il s'intitule Le racisme expliqué à ma fille, le bienveillant Tahar Ben Jelloun écrit: «Le mot «race» ne doit pas être utilisé pour dire qu'il y a une diversité humaine. Ce mot n'a pas de base scientifique. Il a été utilisé pour exagérer les effets de différences apparentes, c'est-à-dire physiques - la couleur de la peau, la taille, les traits du visage - pour diviser l'humanité de manière hiérarchique, c'est-à-dire en considérant qu'il existe des hommes supérieurs par rapport à d'autres hommes qu'on mettrait dans une classe inférieure. Je te propose de ne plus utiliser le mot «race»

Ainsi, pour certains «antiracistes», le mot «race» serait devenu tabou sous le prétexte qu'il aurait été instrumentalisé par l'une des idéologies les plus criminelles de tous les temps.

Pour se convaincre du bien-fondé de ma thèse habituelle sur la naissance du «politiquement correct» moderne à partir du choc traumatique de la Shoah, on pourra se persuader de la concordance de la proscription verbale du mot contesté avec le génocide nazi en se référant au texte du «Courrier de l'Unesco» rédigé en 1950, qui au lendemain donc de la seconde guerre mondiale, proposait d'abandonner le vocable honni au profit du, paraît-il, plus correct «groupe ethnique», celui-ci prenant en compte l'élément culturel cher à Lévi-Strauss. Le politiquement correct était né. Du traumatisme suprême. Avec de bonnes intentions. Dont l'enfer serait pavé.

D'abord, observons qu'il n'y a pas que le mot «race» qui ait été cruellement dévoyé. Faut-il interdire l'invocation de Dieu sous prétexte que les plus grands crimes sont commis en son nom ? Idem pour «République», utilisé pour massacrer les ci-devant, et pour«socialisme», perverti à la fois par Staline et Hitler ?

En outre, il arrive que le vocable que M. Ben Jelloun déconseille à sa fille soit, précisément, utilisé à des fins antiracistes.

C'est ainsi que la pourtant fort correcte politiquement Organisation des Nations Unies, dans le cadre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a entendu «favoriser la bonne entente entre les «races» et édifier une communauté internationale affranchie de toutes les formes de ségrégation et de discrimination raciales».

Il faudra ainsi nous expliquer comment, logiquement, on pourrait à la fois interdire race et dire racisme, réprouver la discrimination raciale, sans éprouver la race discriminée.

C'est pourquoi, aux États-Unis, moins soumis sur ce point aux diktats terminologiques conceptuels, la notion de race conserve sans complexe un usage social, à buts, précisément, antiracistes, dans la meilleure acception du terme.

Contrairement à de nombreux pays européens, dont la France, qui s'y refusent pour des motifs de plus en plus abscons, la race est incluse comme paramètre dans le recensement américain.

Dans un contexte essentiellement protecteur, la Cour suprême des États-Unis a statué à plusieurs reprises en invoquant expressément la race: loi sur la déségrégation sociale, loi sur la discrimination positive…

2. La seconde question de fond que pose la polémique médiatique issue de l'affaire Morano est la suivante: quand donc, la réflexion prêtée au général De Gaulle est-elle devenue scabreuse et scandaleuse, comme le considère aujourd'hui sévèrement un quotidien du soir ? Autrement dit, quand De Gaulle serait-il devenu subitement raciste ?

Le 18 juillet 1953, l'éditorialiste du Monde écrit pourtant: «s'il paraît impossible d'éviter un jour ou l'autre leur massif rapatriement, il est inévitable alors d'envoyer chez eux les Algériens qui ne peuvent vivre chez nous, il s'agit donc d'équiper l'Algérie en conséquence et vite.» Et un commentateur aussi bienveillant de ce journal que Jacques Thibault d'écrire (Le Monde 1944-1996, Plon, 1996): «nous sommes au début des années 1950, une vague d'immigration maghrébine est en cours qui se poursuivra dans les années 1950-1960. Avant même que s'implante une forte population algérienne sur le territoire métropolitain, Le Monde appréhende qu'un trop grand nombre de Maghrébins vivent chez nous.»

C'est donc en 1960 que De Gaulle déclare à Alain Peyrefitte: «Il ne faut pas se payer de mots ! C'est très bien qu'il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Cela montre que la France est ouverte à toutes les races et qu'elle a une vocation universelle. Mais à condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France. Nous sommes avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne.»

Le 2 juillet 1998, Le Monde titre sur trois colonnes: «70 % des Français tentés par le racisme».

À l'examen du sondage CSA, on constate pourtant que si une majorité de Français considèrent qu'il y a un problème d'immigration en France, ils répondent très majoritairement qu'ils ne sont pas racistes, qu'ils n'ont pas de sentiments racistes envers telle ou telle communauté, ni même qu'ils n'éprouvent de quelconques préjugés…

Première question: que s'est-il donc passé pour que le journal qui était autrefois censé référencer l'esprit français et l'homme de la France libre et incarnant la résistance aient écrit des phrases qui, aujourd'hui, les voueraient aux gémonies, où enverraient rôtir dans les flammes de la géhenne toute inconscient - ou inconsciente - qui les réitérerait ?

Deuxième question: inversement, que s'est-il passé pour que la simple évocation d'un problème réel, sans jugement dévalorisant discriminant, puisse être considérée 40 ans plus tard par le même organe de référence comme constitutif de racisme ?

La réponse évidente à cette question est unique: l'obsession xénophile issue du choc médiatique de la Shoah est passée au milieu. Dans le mitan des années 1960, vers 1968. C'est elle qui proscrivait toute réflexion identitaire nationale autour de questions religieuses et ethniques. Et même rendait sulfureuse la seule évocation d'une idée de race ou même de racines. Ce qu'énonçait tranquillement l'homme du 18-Juin relevait désormais de l'indicible. C'est elle aussi qui interdit toute demande de retour vers leur pays devenu indépendant de populations exogènes, comme l'écrivait naturellement, en toute bonne conscience, et sans bien entendu soulever la moindre objection intellectuelle ou encore morale, un journaliste progressiste et pro-algérien des années 50 parce qu'une telle problématique relevait alors de l'impensé.

Osons, à présent, une troisième question: l'éditorialiste du Monde, le général, étaient-il racistes ?

Le sont-ils devenus sans le vouloir, sans le savoir, en mourant, par la disgrâce du temps qui passe ?

Et le malheureux sondé qui répond positivement à la question de savoir si, en France, l'immigration étrangère ne serait pas excessive, l'est-il devenu par la grâce d'un progrès moral intervenu depuis et qui lui vaut d'être vertement rappelé à l'ordre moral nouveau ?

Et si, tout simplement, dans un débat contemporain rationnel, libre et éclairé, la seule question politique digne d'être posée, sereinement - et pas le couteau antiraciste sous la gorge - ne devrait pas être celle d'un éventuel anachronisme ?

On peut parfaitement, sans être accusé de haute trahison ou de folie suicidaire, soutenir aujourd'hui, que la conception traditionnelle, étroite à tous égards, d'un État-nation ethnoculturel largement mythique, aux frontières illusoires, est doublement et inexorablement dépassée: en raison du nouvel espace public européen créé au lendemain d'une horrible guerre fratricide, en raison de l'irrésistible mondialisation accélérée des échanges humains et culturels causés par un rétrécissement de la planète, lui-même engendré par la révolution des transports. Cette thèse est défendable.

Mais on peut également plaider, sans être déconsidéré pour cause de racisme ou de xénophobie, que la richesse humaine est faite de la diversité identitaire de ses peuples et de ses cultures. Que ceux-ci sont enracinés par leur histoire commune dans une même géographie, que l'Europe politique demeure une construction artificielle, désincarnée et irresponsable, et qu'enfin la principale leçon du dernier cataclysme historique, sauf à sombrer dans l'utopie mortelle , est qu'un État-nation pacifique mais déterminé à se défendre reste le meilleur rempart démocratique contre la barbarie du fanatisme et de l'expansionnisme renaissants. Cette thèse n'est toujours pas obsolète, elle mérite également le respect. Elle demeure en dépit de toutes les intimidations, celle de la majorité d'un peuple français qui relève la tête tout en gardant les pieds sur sa terre.

Raison pourquoi, quelles que soient les arrière-pensées ou les maladresses de Mme Morano, les tombereaux d'injures qu'elle a dû endurer sont indignes d'un débat démocratique respectable et respectueux.

A fortiori, quand dans le camp - paraît-il du progrès et de la modernité - au même moment, des propos autrement plus scandaleux ont été proférées en toute impunité.

C'est la toute récente responsable de France Télévision, Mme Delphine Ernotte, qui considère qu'il y a trop de blancs visibles sur les écrans et que cela va changer. Visiblement, le blanc existe, quand il s'agit de le faire disparaître.

C'est Guy Bedos, qui regrette sur France 5, le 25 septembre, que «le juif» d'origine algérienne Eric Zemmour «qui se veut plus français que les Français» le soit devenu par la grâce du décret Crémieux.

Tant que dans la France moderne, on pourra impunément injurier les femmes, les juifs et les blancs, qu'on ne compte pas sur moi, pour mettre une femme au ban.

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commentaires

U
Bonjour Mr Goldnadel,<br /> <br /> Un grand merci à vous pour vos réflexions et votre détermination.<br /> Il en faut du courage pour dénoncer comme vous le faite cette idéologie étouffante en France. Je me demande toujours si les choses sont aussi "lourdes" dans les autres pays européens.<br /> Tant qu'il y aura des personnes comme vous, nous ne sombrerons pas.<br /> Le risque, c'est "qu'ils" trouvent dans vos réflexions, une tournure de phrase, un mot, qui permette de vous jeter dans les griffes de l'abomination dictatoriale médiatique actuelle.<br /> <br /> Ce commentaire se rapporte à l'ensemble de vos écrits, prise de paroles et autres réflexions.<br /> <br /> Merci.
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P
Bonjour Maître,<br /> <br /> Je sais que vous êtes, je dirais presque, un fervent admirateur de Raymond Aron ( je le suis.). <br /> Dans son livre "De Gaulle, Israël et les juifs" , Raymond Aron reste en position de questionnement sur l'antisémitisme probable de de Gaulle. De mon point de vue, de Gaulle l'était irrémédiablement. <br /> Cordialement
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C
Parler de races, reviendrait à dire qu'il y a des races supérieures et des races inférieures, à faire un classement de valeur.<br /> <br /> Je ne suis pas du tout spécialiste des animaux, mais je crois savoir que les chiens se distinguent par races. Pour m'en assurer, j'ai consulté 'chien' sur wikipedia, J'ai constaté que le mot 'race' revenait une soixantaine de fois. Mais j'ai eu beau chercher, je n'ai absolument rien trouvé sur la race de chiens qui serait supérieure aux autres.
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P
@ PJSC<br /> Irlandais non plus n'est pas une race, mais pourtant il existe plusieurs ethnies au sein même du peuple malgache. Et s'il se trouve devant toi un malgache, un irlandais, un camerounais et un japonais, tu sauras certainement les distinguer.
C
"chaque race de chiens a été fabriquée par l'homme"<br /> <br /> je lis par exemple :Le Lévrier afghan est représenté sur un graffiti datant de 2000 ans avant J.-C. et est cité sur un papyrus égyptien peut-être encore plus ancien.<br /> <br /> Faudra m'expliquer comment l'homme pouvait fabriquer une race y'a 2000 ans et pourquoi ils l'aurait fait.<br /> <br /> Quant au pygmée, a aucun moment je n'ai pensé à sa couleur. Faudrait s'en tenir a ce que j'écris et pas inventer.
P
"D'ailleurs je n'ai encore jamais vu de Malgache rouquin. :-))"<br /> Mais Phil, être malgache, c'est pas une race :-))))))<br /> <br /> Le mot de la fin, merci à Monsieur Goldnadel pour, une fois de plus, nous avoir donné plaisir à lire son billet.
P
Dans le monde de la mode et du mannequinat, il n'est pas rare d'entendre "Regardez comme elle est belle, sa maman est bolivienne et son papa est caucasien..." ou encore "Son papa est kabyle et sa maman est norvégienne..."<br /> <br /> Qui peut encore dire que les races humaines n'existent pas ??
P
L'Homme étant un mammifère (presque) comme un autre, le monde a toujours été peuplé de races humaines multiples et diverses. Ce n'est pas parce qu'il s'est passé des trucs immondes au XX° siècle que cette évidence doit être niée. Bizarrement tout le monde évite le mot "race" mais personne ne se gène de parler de "métissages", "mixités", etc. Donc parler de métissages implique directement d'admettre la notion de race, et il n'y a aucune honte à cela. Distinguer un Malgache d'un rouquin irlandais fait partie des aptitudes et des réflexes de tout cerveau humain.<br /> <br /> D'ailleurs je n'ai encore jamais vu de Malgache rouquin. :-))
M
Cette référence à de Gaulle me paraît assez gênante.<br /> <br /> "Mais à condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France" : certains disent qu'il y avait trop de Juifs en Pologne dans les années trente, car avec trois millions et demi d'individus ils n'y étaient plus une petite minorité.<br /> <br /> Dans son ouvrage "Eurabia", notamment, Bat Ye'Or explique que la mutation programmée de l'Europe en général, et de la France en particulier, au profit d'une nouvelle expansion de l'islam, prend sa source dans le tournant imposé par de Gaulle dans les années soixante, en faveur d'une politique pro-arabe et anti-israélienne. Ainsi donc, malgré sa fameuse tirade sur la France blanche et chrétienne et les minorités, si Colombey-les-deux-églises finit un jour par devenir Colombey-les-deux-mosquées, ce sera tout de même de sa faute.
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P
Heureuse de vous recroiser, marcoroz,<br /> <br /> Je partage entièrement votre réflexion. De Gaulle était un antisémite viscéral, il était presque né avec. Mon parâtre l'était aussi et, ce qui est assez "amusant" est que cet antisémitisme l'avait amené à devenir pro-arabe. En ce qui me concerne, cet antisémitisme n'est autre que l'Envie (avec un grand E) portée à son paroxysme ; en général, les individus qui éprouvent ce genre d'antisémitisme ont été, ou éduqués avec, ou confrontés dans leurs études ou dans leur vie à des individus "meilleurs" qu'eux et, en général, ces individus étaient juifs. Il y a un livre de Raymond Aron sur la question intitulé "De Gaulle, Israël et les juifs) ; je pense que Bat Ye'Or y a puisé ses idées dessus.<br /> Merci, Marcoroz, de remettre quelques pendules à l'heure ;-)<br /> Patricia
P
"...on pourra se persuader de la concordance de la proscription verbale du mot contesté avec le génocide nazi en se référant au texte du «Courrier de l'Unesco» rédigé en 1950, qui au lendemain donc de la seconde guerre mondiale, proposait d'abandonner le vocable honni au profit du, paraît-il, plus correct «groupe ethnique», celui-ci prenant en compte l'élément culturel cher à Lévi-Strauss. Le politiquement correct était né. Du traumatisme suprême. Avec de bonnes intentions. Dont l'enfer serait pavé."<br /> <br /> <br /> C'est non seulement un traumatisme, mais surtout d'une stupidité totale. Chaque RACE humaine est composée de plusieurs ETHNIES, qui se divisent ensuite en familles. C'est vrai pour les Européens (au sens géographique du terme) du nord ou du sud, pour les Asiatiques, les Africains, les Indiens, les Sud-Américains, etc.
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