Paru dans FIGAROVOX LE 22/09/15
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FIGAROVOX/CHRONIQUE - Au sujet des migrants et de leur intégration, Gilles-William Goldnadel énonce les nombreuses questions qui, selon lui, ne sont jamais posées.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Il tient une chronique hebdomadaire sur FigaroVox.
Le référendum de M. Cambadélis vient de me donner l'envie de poser moi aussi des questions à mes concitoyens. Avant de me rendre sur les marchés, j'interrogerai, par préférence matinale, mes lecteurs du Figaro. Curieusement, les questions les plus simples ne sont jamais posées:
- La France, ou tout autre pays, est-elle une société anonyme, ou encore une société à irresponsabilité illimitée, dans laquelle les membres qui la composent seraient interchangeables ou remplaçables sans danger… (ma main tremble...) identitaire ?
- Dans ce contexte, 10 000 immigrants équivalent-ils à 100 000 ? Et 1 million à 10 millions ? (Ne peuvent répondre que les êtres incarnés ayant deux pieds sur la terre ferme).
- Est-on autorisé, dans ce cadre comptable ingrat, à tenir compte des plus récentes vagues d'immigration et de leurs difficultés d'intégration ?
- L'hospitalité française ne peut-elle déjà s'apprécier à l'aune de l'accueil délicat de celles-ci ?
- Selon certaines organisations progressistes, de nombreux logements vacants ont pu être réquisitionnés sans délai pour y loger les migrants d'Orient. Compte tenu des nombreux sans-abri indigènes en souffrance déjà répertoriés, ne faut-il pas en déduire que la préférence pour l'Autre rend plus efficace que l'indifférence pour son proche prochain ?
- Selon certains économistes de gauche, l'immigration est source d'enrichissement pour les pays d'accueil. Dans ce cadre conceptuel, ne faudrait-il pas, par altruisme, faire bénéficier prioritairement les pays du Maghreb, encore qu'étrangement ils s'y refusent, de cet apport humain, de surcroît commun de culture et de langue ?
- Pensez-vous que la démographe Michèle Tribalat déraisonne lorsqu'elle déclare avec compréhension (Le Point du 17 septembre): «en 2015, la France compte à peu près 5 millions musulmans et après les divers attentats, les Français conscients des problèmes d'assimilation ne sont pas chauds pour voir débarquer du brasier syro-irakien d'autres musulmans venant s'ajouter à ceux qui sont déjà là» ?
- Dans ce même ordre d'idées, considérez-vous que les réfugiés syriens qui ont vécu sous l'emprise culturelle des Assad ou de l'islamisme sont tous empreints d'une éducation philosémite de nature à améliorer le vivre-ensemble communautaire ? (Je rougirais de cette question affinitaire si la pensée des derniers massacres antisémites ne désempourprait un peu ma face.)
- Toujours dans ce même cadre communautaire, le départ, lent mais sûr, des premiers et l'arrivée précipitée des seconds ne sont-ils pas de nature à donner quelque chair à la thèse controversée d'un remplacement de populations ?
- Dans un tout autre registre, ne trouvez-vous pas audacieuse l'idée du Parti Socialiste de vouloir exalter par référendum une union avec le Parti communiste, les Verts et M. Mélenchon dans le but proclamé de faire échec à l'extrémisme démagogue et à la radicalité dangereuse ?
- L'antiracisme mondain n'est-il pas constitutif d'une imposture intellectuelle ?
Avant que de répondre à cette ultime question, méditez donc ce dernier cas d'école: Des inscriptions antisémites souillent publiquement, on le sait, la prétendue oeuvre d'art de M.Anish Kapoor installée dans les jardins du château de Versailles, intitulée par lui «Dirty corner» et par les autres «vagin de la reine» - après que celui-ci a revendiqué le caractère sexuel de son oeuvre et déclaré publiquement qu'elle représentait «le vagin de la reine qui prend le pouvoir.»
Animé d'un trouble plaisir envers une salissure qu'il doit considérer en harmonie cosmique avec sa création, M. Kapoor a fait défense que l'on lave l'offense. La conservatrice du château, disciplinée, n'en a pas pris ombrage. Notre ministre de la Culture, qui n'en rate jamais une, a considéré extatiquement «qu'en demandant qu'on n'efface pas ces horreurs, il rétablit les conditions du dialogue»….
Surtout, les organisations antiracistes, dont le seul horizon est toujours bleu marine, qui ordinairement se seraient ruées devant le juge en poussant des hauts cris, sont restés l'arme à gauche. Il a donc fallu qu'Avocats Sans Frontières (que j'ai l'honneur de présider) s'y colle, pour que samedi un juge versaillais ordonne à la conservatrice de passer la serpillière.
Rien n'y fait ni fera. L'antiracisme mondain n'a toujours rien appris, ni compris. Un artiste modeux, ou d'extrême gauche (comme ce Philippe Lioret, réalisateur très hospitalier de Welcome, et proférant au micro, du service public bien sûr, «qu'Israël et les gens qui ont de l'argent» sont responsables de la crise migratoire) sont des vaches sacrées. Défense de les toucher.
Tant que le monde virtuel politique sera dessiné par des artistes contemporains narcissiques et hémiplégiques, le monde du réel doit s'attendre à souffrir.
Ce n'est plus une question.