Paru dans FIGAROVOX LE 28/09/15
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FIGAROVOX/CHRONIQUE- Peine de mort en Arabie saoudite, Delphine Ernotte et les «hommes blancs de plus de cinquante ans», l'insulte de Bedos à Zemmour, les coups de gueule de Gilles-William Goldnadel.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Il tient une chronique hebdomadaire sur FigaroVox.
Christophe Colomb a découvert l'Amérique en 1492. Il semblerait que la France ait découvert l'Arabie en 2015. La crainte de voir un jeune chiite décapité et crucifié a soulevé, pour la première fois, une tempête d'indignation. Mais ce sont 150 êtres humains qui sont décapités chaque année dans le royaume saoudien. L'explication la plus courante de la passivité de nos gouvernants est politique et financière. Elle est valable, mais trop courte. Elle n'explique pas le silence médiatique et intellectuel, le manque total de sens critique, qui règnent depuis toujours sur le monde arabique. Les exemples pullulent. Rien sur un esclavage des noirs qui continuent d'exister en Mauritanie, moins que rien sur cet opposant à cet esclavage qui vient d'être embastillé pour dix ans à Nouakchott. Pendant deux années, dans le désert, j'ai questionné sur la raison qui pourrait expliquer l'absence d'hospitalité de réfugiés arabes dans les pays arabes du Golfe. Pendant trois décennies, le régime dictatorial syrien et alaouite a bénéficié d'une mansuétude absolue. Il en aurait été autrement, que nous n'en serions certainement pas là.
Une nouvelle fois, l'explication profonde affleure, dans la découverte de l'horreur: l'idéologie médiatique occidentale, inconsciemment xénophile, ne déteste et ne morigène que l'Occident et ne plaint et n'excuse que l'Orient.
Les médias se sont également émus de ce que l'Arabie saoudite allait diriger le panel de la Commission des droits de l'homme de l'ONU. La belle découverte que voilà. Les Etats qui la composent majoritairement n'ont rien à lui envier en matière de violation des droits humains.
Dans un article récent dans ces mêmes colonnes, je faisais remarquer que l'État d'Israël avait récolté à lui seul la majorité des condamnations de l'aréopage onusien, et que l'Arabie saoudite, par exemple ne s'en était vu infliger aucune. Il est possible, que certains pensent, que l'une des motivations de cet article est de vouloir aussi montrer l'injustice criante subie par un État juif et occidental. Ils n'ont pas tort.
Mme Ernotte et les vieux mâles blancs
Selon Mme Delphine Ernotte, nommée dans des conditions controversées par le CSA à la tête des télévisions publiques, «la télévision, ce sont surtout des hommes blancs de plus de 50 ans, cela va changer». J'ignore si la fraîchement promue a recensé les têtes blanches. Si c'est le cas, elle aura contrevenu à la prohibition légale des statistiques raciales. Encore que je ne sois pas très inquiet pour cette racialiste tranquille. Elle n'est pas le maire de Béziers, elle ne compte pas les têtes brunes, elle appartient au camp du Bien. Renseignements pris, Mme Ernotte n'a nommé principalement que des hommes blancs, tel que son principal collaborateur. Comme il était le chef de cabinet de Mme Duflot, sa couleur lui sera pardonnée: le mâle de gauche est un blanc bien et droit.
Maïtena paria
Par un étrange paradoxe, le monde médiatique montre un esprit critique plus aiguisé lorsqu'il s'agit de la télévision privée que lorsqu'il s'agit du service public audiovisuel, qui est la chose de tous, payée par chacun.
Ainsi, les caméras sont braquées sur la reprise en main par M. Bolloré, briseur iconoclaste des marionnettes sacrées, du groupe Canal+.
Maïtena Biraben a été remise sur le droit chemin - c'est-à-dire le gauche - par Le Monde et L'Obs pour avoir, dans un bref moment d'égarement, renoncé au dénigrement rigolard et obligatoire du Front National sur la chaîne cryptée. La journaliste, pour l'heure, n'est pas allée à Canossa.
Pour la troisième fois, Le Monde considère que le jeune et nouveau responsable de l'information d'iTélé sentirait le soufre pour avoir trop respiré l'encens des églises.
Autre paradoxe, le service public lui-même, plutôt que de s'interroger sur ses cruels manquements, s'inquiète davantage pour le risque que le pluralisme de l'information encourrait dans le domaine commercial (Sonia Devillers dans L'Obs du 26 septembre) . Un peu comme le cimetière municipal qui se moquerait de la clinique privée.
Et pourtant le rappel de la notion même de neutralité du service public de l'audiovisuel soulève l'hilarité générale de ceux qui en vivent par la grâce providentielle d'un État dispendieux.
Comment leur reprocher puisque le CSA lui-même, chargé de la faire respecter, préfère lui aussi regarder dans le domaine privé. Il faut voir avec quelle acuité «les Sages», principalement issus du service public audiovisuel, ont interrogé M. Bolloré et ses collaborateurs. La plupart des remontrances de cette haute autorité concernent les radios et télévisions privées. Un esprit chagrin pourrait y voir la marque de l'idéologie. On rappellera, pour l'anecdote bien sûr, que le président Schrameck était le directeur de cabinet de Lionel Jospin.
Militantisme et ojectivité journalistique?
Comme je n'aurais pas assez d'une vie pour donner des exemples de ce que la neutralité du service public audiovisuel français relève du gag désopilant, deux exemples lors des dernières 48 heures:
- Lecture de «télé-obs» de cette semaine: «Carnet rose. Enceinte, Marie Labory, la présentatrice d'Arte journal quitte provisoirement l'antenne. Portrait d'une lesbienne militante pour qui le journalisme est une affaire de convictions… Marie Labory est une femme de conviction. La discussion sur le mariage pour tous a été l'occasion pour elle de prendre position en faveur du texte dans un article publié sur le site d'Arte et de défendre la procréation médicalement assistée dans une tribune de Libération.» Question: entre militantisme et journalisme où se situe la limite?
Réponse: «Je crois davantage à l'honnêteté qu'à l'objectivité totale.»
La question de son appartenance au service public ne sera pas posée. Elle ne se pose même pas.
- Vendredi soir. Je suis dans une automobile qui cingle vers mon domicile. J'écoute France Info. Guy Bedos y a été l'invité de toute la journée du «monde des idées». Il est traité comme un grand intellectuel. L'animateur, dans l'empathie, lui décerne le titre de «grande conscience de gauche».
Je pensais en avoir fini avec cette grande conscience qui avait souhaité aux gens de Charlie Hebdo de «crever», lorsque sitôt arrivé chez moi je tombe encore sur lui à travers mon écran allumé sur la Cinq.
On le questionne sur Éric Zemmour. Réponse de la grande conscience: «Zemmour est juif. Mais il veut être plus français que les Français… Mon grand-père était bâtonnier à Alger, il a milité pour le décret Crémieux qui a fait des juifs d'Algérie des Français. Rétrospectivement, quand je vois Zemmour, je le regrette.»
Il ne s'est pas trouvé un membre du service public pour faire remarquer à la grande conscience qu'autrefois c'étaient les antisémites d'extrême-droite qui reprochaient aux juifs, dont ils soulignaient lourdement l'origine, d'en faire trop. Il est vrai que l'antisémitisme a changé de camp depuis.
Contrairement à l'auteur de ces lignes, Zemmour - et c'est bien son droit - ne fait jamais allusion à sa tribalité. Il entretient avec l'État juif - c'est quelquefois une source de nos discussions - une distance… gentille. Ne récusant pas l'assimilation, il ne veut pas qu'on l'assimile à Sion.
Si par extraordinaire, il avait du temps à perdre, je lui conseillerais de saisir le CSA.