Paru dans FIGAROVOX - lefigaro.fr http://www.lefigaro.fr/vox/
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/08/24/31003-20150824ARTFIG00120-thalys-le-combat-inegal-entre-un-fantasme-et-une-realite-ingrate.php
Thalys: Le combat inégal entre un fantasme et une réalité ingrate ?
Publié le 24/08/2015
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Pour Gilles-William Goldnadel, l'attaque terroriste du Thalys est une preuve supplémentaire du déni de réalité dont font preuve les autorités en matière de sécurité et d'immigration.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Il tient une chronique hebdomadaire sur FigaroVox.
En 1985, le regretté Roger Hanin réalisait un assez mauvais film intitulé Train d'enfer dans lequel trois légionnaires français, très caricaturaux, rouaient de coups un jeune musulman avant de le défenestrer.
La réalité mauvaise est, qu'aujourd'hui, ce sont des Occidentaux que les islamiques radicaux vont massacrer dans les trains, dans les gares, sur les plages, dans les salles de rédaction ou dans les supermarchés. Il n'est pas sûr pour autant que le cinéma français s'empare de sitôt de cette situation tellement décevante pour un monde artistique rebelle à la réalité mais docile envers l'esthétisme académique.
L'attentat terroriste contre le Thalys nous offre au rebours et caricaturalement des protagonistes conformes à une réalité désormais permanente que l'académie esthétique refuse toujours de regarder en face:
- un terroriste islamique radical d'origine nord-africaine déjà platoniquement fiché pour ses convictions djihadistes. Énième portrait-robot du nouveau raciste qui correspond au cauchemar récurrent de la gauche xénophile.
- deux marines américains déterminés et efficaces. Exactement le genre de caricatures de Rambo que certains spectacles de marionnettes audiovisuelles convenus font rosser publiquement pour cause de combat déterminé et efficace contre l'islamisme.
- des membres du personnel du service public du transport ferroviaire dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'ont pas versé dans un héroïsme exceptionnel. Nouvelle gêne pour les thuriféraires du service public à la française.
À ce dernier sujet, deux remarques: la première est que l'auteur de cet article aura le courage seulement intellectuel d'avouer qu'il ignore bien de quel comportement il aurait pu faire montre dans le feu paniquant de l'action criminelle. La seconde est que le personnel du service public concerné n'est pas préparé psychologiquement, c'est le moins que l'on puisse dire, à se comporter héroïquement, ni même civiquement.
C'est ainsi par exemple que le syndicat majoritaire chez les postiers avait refusé de participer à l'examen des colis suspects pendant les attentats islamistes de 1995, sous prétexte que «ce n'était pas dans les attributions habituelles du personnel».
Comment, d'autre part, attendre un comportement exemplaire, dès l'instant où la direction de la SNCF a toujours pris, par crainte révérencieuse, le parti de son personnel syndiqué au détriment de ses clients usagers. L'attitude, aujourd'hui, de Guillaume Pépy et de ses proches collaborateurs semble ne pas déroger à l'attitude de ses prédécesseurs. C'est ainsi que j'avais dénoncé en son temps, mais bien seul, le comportement de ce patron de la SNCF qui présidait l'institution au moment du terrible accident de la Gare de Lyon qui avait fait, en 1988, 56 morts et 57 blessés curieusement occultés par les médias. Le responsable principal indiscutable de la catastrophe était le conducteur du train qui n'avait même pas été licencié. À l'issue de sa condamnation par le tribunal correctionnel (avant confirmation par la Cour d'appel de Paris en 1993), les syndicats du personnel s'étaient mis en grève. Réaction publique du président SNCF: «je comprends bien l'émotion des syndicats». L'émotion des familles des 113 victimes pouvait , elle, être portée sur le compte des profits et pertes…
Mais l'attitude de ce membre de l'élite technocratique, soyons juste, ne détonnait pas par rapport à une classe médiatique, comme toujours obséquieuse envers les syndicats ombrageux. On comparera avec l'esprit critique acéré de la presse, quand des responsables politiques ou industriels sont mis en cause pour non-respect des normes de sécurité, pour parfois beaucoup moins que cela.
Si l'on veut bien regarder la vérité en face, c'est l'Europe, et notamment celle du Sud, France comprise en raison de son tropisme idéologique, qui s'en va se cogner contre le mur de la cruelle réalité. Et à un train d'enfer.
On ratiocine sur l'inutilité de la fameuse fiche S. Mais aujourd'hui encore, il n'existe toujours pas en Europe (au rebours de l'Amérique du Nord, de l'Australie et de la Grande-Bretagne) - pour cause de résistance d'un Parlement européen esthétique - un fichier de données sur les usagers des transports aériens.
Surtout, on ne veut toujours pas vouloir voir que le vivier dans lequel les donneurs d'ordre du terrorisme islamique radical peuvent puiser continue de grossir tellement que la capacité de surveiller et d'agir des services compétents s'en trouve annihilée, a fortiori dans les sociétés démocratiques ouvertes.
À ce sujet, refuser de considérer l'arrivée des migrants d'Orient autrement que comme une invasion en dépit de leur nombre, de son rythme effrayant et de l'illégalité manifeste de la violation des frontières européennes participe de cette idéologie mortifère du refus de la réalité.
Continuer de refuser de voir qu'à côté de migrants qui ont droit à l'asile, d'autres non éligibles devraient être expulsés sans délai ni état d'âme esthétique désormais hors saison participe du même aveuglement .
Refuser de voir encore que parmi ceux-ci, il existe de nombreux islamistes parfois envoyés par Daech - dont certains rejetaient des migrants chrétiens à la mer - qui vont grossir encore un vivier terroriste, précipite davantage l'Europe vers le mur. Et à un train d'enfer.
C'est dans ce contexte idéologique délétère, que la gauche extrême - dont on ne dira jamais assez la responsabilité morale qu'elle porte dans la situation - fait montre de son insoutenable légèreté pour traiter de l'affaire grecque.
Hier encore, elle ne jurait que par M.Tsipras, nouveau titan ailé au Panthéon socialiste. Mais celui-ci, confondu par ses mensonges répétés et à géométrie variable, de promesses électorales fallacieuses à référendum non respecté, voici que le nouvel héros mythique se nomme Varoufakis. Les Montebourg et Mélenchon qui hier encore étreignaient Alexis, baisent aujourd'hui la main du demi-dieu Yanis. Au fond, cette gauche-là n'est à l'aise que dans l'esbroufe tout-terrain et la jactance hors-sol. Elle n'aura jamais le courage de soutenir longtemps les régimes politiques qu'elle aura suscités.
Pas question de se reconnaître ni dans l'URSS, ni dans Cuba, ni dans la Chine, ni dans la Corée, ni dans le Cambodge. On soutenait le Venezuela… mais on ne dit plus rien. On ne soutient donc plus Tsipras. Place à une autre chimère.
Si encore cette incapacité permanente de mesurer l'écart entre l'idéal et la réalité incitait à la politique modeste, après tout on a bien le droit de vouloir continuer de vendre l'utopie quand bien même on s'est toujours trompé.
Mais ces démagogues amnésiques se font obligation d'être toujours arrogants autant qu'intolérants. Il est vrai que la démagogie est née en terre hellénique. Ils ont pour eux la réalité linguistique.
Gilles William Goldnadel ©